Dans les années 1990, l’Etat français va chercher à faire obliquer la trajectoire des groupes Renault et PSA vers une mobilité plus vertueuse pour l’environnement. Deux programmes vont se succéder : VPE (Véhicule propre et économe) et Vert (Véhicule électrique routier à turbine).

Question au Sénat

Il y a 29 ans, presque jour pour jour, le 22 mars 1990, le sénateur de Paris Pierre-Christian Taittinger interpelait ainsi par une question écrite le ministre de l’Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer Michel Delebarre : « Le Gouvernement, dans le cadre de la politique européenne des transports, entendra-t-il favoriser le développement de l’utilisation du véhicule électrique en ville. Différentes mesures peuvent être envisagées pour inciter les producteurs à prendre un risque calculé ». La réponse sera donnée en 2 temps par le ministère, à chaque fois avec 2 mois d’intervalle.

VPE

Le 24 mai 1990 est officiellement publiée cette première réponse : « Face à l’accroissement des problèmes liés à la pollution urbaine et aux rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère (effet de serre), le Gouvernement a décidé d’encourager les constructeurs automobiles français à s’associer pour la réalisation d’un programme de recherche pour un véhicule automobile propre et économe en énergie ». Le protocole d’accord a déjà été signé le 23 janvier 1990, entre 3 ministres, mais aussi Jacques Calvet et Raymond Levy, respectivement à la tête du directoire de Peugeot SA et de Renault.

Premier du genre

Dans sa première réponse, le ministère interpelé souligne qu’il s’agit en France du « premier programme coordonné visant à une action globale pour réduire l’ensemble des rejets automobiles dans l’atmosphère ». Il est précisé qu’une « partie de ce programme de recherche comprend une action spécifique en direction du véhicule électrique ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le projet est des plus ambitieux, puisque son « objectif est d’étudier un véhicule électrique routier dont les performances seront voisines de celles des véhicules classiques actuels » !

500 km d’autonomie déjà

Au début des années 1990, l’Etat français n’hésite pas à demander, concernant ce véhicule propre et économe : « Son autonomie devra être voisine de 500 kilomètres ». Toutefois, « le fonctionnement en ville, sur batteries seules, sera possible sur 10 kilomètres environ », est-il précisé.

Et ensuite ? « Un groupe générateur fournira l’énergie avec un rendement élevé et un faible niveau d’émission », est-il indiqué. Voilà pourquoi le programme VPE, aidé par les pouvoirs publics à hauteur de 1.200 millions de francs sur 8 ans, et conduit par Renault et PSA, sera suivi « en association avec les industriels spécialisés dans le domaine des turbines, des moteurs et générateurs, des batteries et les laboratoires publics de recherche ».

 

PAC

La solution des piles à combustible est aussi envisagée, mais reconnue d’emblée comme insuffisamment mature dans le protocole d’accord. Des recherches seront cependant menées aussi à ce niveau, mais elles s’inscrivent dans le cadre d’un projet européen pour lequel Renault présentera sa Fever (Fuel Cell Electric Vehicle for Efficiency and Range) sur une base de break Laguna.

Peugeot 405 break électrique

Chez PSA, pour répondre à la demande initiale du gouvernement français, on présente une Peugeot 405 break électrique dont l’architecture est finalement proche de la technologie e-Power que Nissan implante déjà sur ses modèles Serena et Note au Japon et souhaite développer en France.

Dans le coffre du break français dévoilé en 1991 au salon de Francfort, en Allemagne : 200 kilos de batteries nickel-cadmium assemblées en un pack 230 V qui alimente 2 moteurs électriques d’une puissance de 20 kW chacun. Ce sont eux, uniquement, qui animent le véhicule, jusqu’à une vitesse maximale de 130 km/h.

Un moteur diesel comme générateur

Quand les batteries sont vides, au bout de 70 kilomètres environ, un moteur diesel de 1,8 litre de cylindrée, de provenance 205 (XUD7T), les recharge par l’intermédiaire d’un générateur triphasé qui prend la place de la boîte de vitesses. Jamais le bloc thermique n’entraîne les roues. Les documents d’époque indiquent qu’il ne fallait qu’une vingtaine de minutes au moteur diesel pour régénérer le pack, à l’arrêt, comme en roulant.

A l’instar des prolongateur d’autonomie ensuite montés sur les Renault Kangoo Elect’Road ou les BMW i3, le bloc diesel était régulé électroniquement pour tourner à la vitesse la plus efficiente pour son utilisation : 3.500 tours par minute. Ce démonstrateur n’a pas évolué vers une série commercialisée. Mais PSA annonçait alors pour fin 1994 le lancement des Peugeot 106 et Citroën AX électriques qui ont bien été diffusées, un peu plus tardivement.

Et chez Renault ?

Si Peugeot s’est jeté rapidement à partir d’un véhicule existant dans la réalisation de sa 405 break électrique, Renault souhaitait de son côté partir d’une feuille blanche afin de présenter un engin qui soit exploitable aussi bien en ville que sur route, de façon convaincante. Mais en 1991, devant l’évidence qu’il ne serait pas possible de commercialiser dans un délai raisonnable une voiture électrique avec 500 kilomètres d’autonomie, les 2 groupes français ont été conviés à participer à un nouveau programme : Vert, comme « Véhicule électrique routier à turbine ».

Il est cependant probable que le concept hybride Next, présenté par Renault en 1995, ait été initié sous l’impulsion donnée avec la feuille de route VPE. La berline compacte Next disposait d’un groupe motopropulseur composé d’un moteur essence 3 cylindres de 750 cm3 de cylindrée à l’avant et de deux moteurs-roues électriques à l’arrière. Ces derniers étaient alimentés par 150 kilos de batteries placées sous le plancher du coffre, comme sur la Clio électrique contemporaine commercialisée.

Turbine à gaz

PSA et Renault n’ont pas été les seuls constructeurs à travailler sur un concept de véhicule électrique associé à une turbine à gaz. Différents programmes se sont télescopés dans les années 1990, parfois au niveau européen (Eurêka et Agata). Dans le cadre de Vert, doté d’une enveloppe de 145 millions de francs sur 4 ans, c’est cette fois-ci Renault qui a présenté fin 1996 un engin fonctionnel, sur la base de son Espace J66. Il s’appelait tout simplement « Vert » !

Comme la Peugeot 405 break issue de VPE, ce monospace est d’abord un véhicule électrique qui dispose d’une autonomie d’une centaine de kilomètres après recharge de ses batteries logées sous le plancher, à l’arrière. Une turbine GPL installée sous le capot avant tourne à 90.000 tours par minute pour recharger le pack via un alternateur. Cette architecture fait de Vert une hybride série. Ce qui était le cas aussi de la Peugeot 405 break à batteries NiCD. Un superviseur décide, en fonction des besoins de puissance demandés par le conducteur et du niveau de charge des batteries, du déclenchement de la turbine. A noter que la température d’entrée du gaz était supérieure à 1.000° C !