Entre les annonces et la réalité sur le terrain, l’écart est parfois important au sujet de l’engagement des constructeurs à développer les voitures particulières électriques. Des lecteurs nous interrogent régulièrement sur le sujet, avant de signer pour un modèle.

Sincèrement engagés dans une démarche environnementale ou poussés par les contraintes européennes de plus en plus fortes, les constructeurs en automobiles n’ont pas vraiment d’autre choix que d’inclure des modèles électriques, à batterie de traction ou à pile hydrogène.

A défaut, ils encourent des pénalités se chiffrant à plusieurs centaines de millions d’euros s’ils ne respectent pas un plafond d’émissions carbonées.

Depuis début 2020, pour chacun d’eux, la moyenne des rejets de CO2 sur toutes les voitures vendues ne doit pas dépasser 95 grammes par kilomètre. Même la Renault Twingo 2020 est au-dessus ! En 2025, le seuil sera encore abaissé à 81 g/km.

De gré ou de force ?

Plusieurs constructeurs n’ont pas attendu d’avoir le canon sur la tempe pour développer une véritable histoire avec la mobilité électrique. Nous mettons bien entendu de côté Tesla dont l’intérêt à promouvoir sa gamme branchée est évidente : c’est son activité principale.

Comment reconnaître ceux qui jouent vraiment le jeu du VE ?

Une marque qui est pleinement engagée dans le développement des voitures électriques va multiplier les actions concrètes sur le terrain : création de clubs d’utilisateurs, adhésion à une association de professionnels acteurs de la mobilité électrique, écoute des électromobiliens, développement de réseaux de recharge, accueil dans les concessions, établissements ou contacts réservés aux VE, offres commerciales alléchantes, prêts de véhicules sur une durée suffisante, démarchage de prospect notamment parmi les entrepreneurs et les collectivités, formation spécifique des conseillers, évolution de la gamme et de modèles aboutis et bien ciblés, séries limitées salivantes, proximité avec les médias dédiés à la mobilité durable, catalogue de produits dérivés, vidéos et autres supports publicitaires et de communication, partenariats divers, réorientation d’usines, inclusion des énergies renouvelables dans les processus industriels, exigences sur l’origine des matières premières en particulier en rapport avec les batteries, recyclage de ces dernières avec seconde vie dans des chargeurs rapides, jeu-concours avec voiture électrique à gagner, architecture V2G, R&D, etc. La liste est longue et loin d’être exhaustive.

Renault en numéro 1 en France

S’il y a bien un constructeur présent sur le marché français du VE auquel on ne pourra reprocher un désintérêt pour la voiture électrique, c’est bien Renault. Dès la sortie de la ZOE, les conseillers commerciaux du Losange ont mouillé leurs chemises sur le terrain pour la placer auprès d’un maximum de collectivités et d’entreprises, même quand ce n’était pas le meilleur modèle pour les rôles multiples qu’on allait lui demander de jouer.

Presque 10 ans après, l’avance prise et l’évolution de l’accueil dans les concessions sont véritablement impressionnants. Et la stratégie est loin de faiblir, bien au contraire. En plus du grand « Jeu Nouvelle ZOE » en cours jusqu’à la fin de l’année, le Losange vient de lancer sa Twingo électrique en commençant par une très séduisante série limitée Vibes.

Il faudrait plus d’un article pour aligner toutes les actions concrètes réalisées par Renault depuis le lancement de la ZOE. On oubliera bien sûr la lenteur à fournir enfin le fameux câble de grand-mère ou CRO (câble occasionnel de recharge) pourtant indispensable pour beaucoup, et à proposer la Zoé à l’achat batterie comprise.

Kia et Hyundai

Depuis quelques années, Kia et Hyundai (même groupe automobile) mettent le paquet pour imposer sur les routes françaises leurs e-Soul (Soul EV auparavant), e-Niro et Kona électriques.

Le premier a une petite longueur d’avance et propose actuellement son Go Electric Tour pour découvrir ses modèles électriques et hybrides rechargeables. Son site général compte une collection d’articles écrits par divers journalistes mettant en avant sa gamme branchée. Fin 2018, une concession spécifique a été inaugurée avenue de la Grande Armée à Paris.

Les 2 marques ont dernièrement enchaîné des offres fracassantes, dont la très discutée LLD à 47 euros par mois très difficile à obtenir. L’efficience, la qualité et le haut niveau d’équipement des Kona électriques et e-Niro ne sont plus à démontrer.

On peut cependant suspecter Kia et Hyundai d’avoir volontairement différé les livraisons de ces modèles fin 2019 afin de satisfaire aux nouvelles exigences européennes d’émissions pour 2020, au grand dam des clients. En Octobre 2019, 253 Kia e-Niro, 79 e-Soul et 122 Hyundai Kona électriques ont été immatriculés en France, contre 19 + 1 + 77 en novembre, 7 + 1 + 14 en décembre, mais 429 + 99 + 248 en janvier 2020, et 278 + 79 + 414 le mois suivant.

Groupe Volkswagen

Volkswagen ID.3 2020

Avec d’autres partenaires, Volkswagen, Audi et Porsche sont derrière le réseau de recharge Ionity qui s’est bien développé en une poignée d’années. Le groupe s’est doté de moyens cohérents pour réussir son virage vers l’électrique, et tourne la page d’une offre peu salivante avec sa e-Golf et la première génération de e-Up!.

Cette dernière est désormais dotée d’une meilleure autonomie WLTP de 260 km en cycle mixte qui la rend convaincante. La citadine se préparait aussi à investir les routes françaises sous les marques Skoda et Seat qui dépendent du groupe. Sauf que plus aucune des 3 n’est disponible, avec des délais d’attente annoncés dépassant désormais les 16 mois. Pire, la Skoda Citigo e iV semble être définitivement sortie du catalogue.

A nouveau le groupe ne s’est pas donné les moyens pour faire des best-sellers de ces voitures. La crédibilité de la feuille de route électromobile en prend forcément un coup ! C’est vraiment dommage !

La marque Volkswagen semble vouloir se concentrer sur le programme ID. C’est sérieux ou pas cette fois !? Pour cette famille de VE, le constructeur a entièrement converti son usine de Zwickau. Certes, l’ID.3 arrive sur le marché avec quelques problèmes qui ne sont pas complètement résolus. Mais elle pourrait connaître un succès mondial qui placerait Volkswagen comme la marque allemandes la plus engagée en matière de voitures électriques. Surtout si elle sait proposer des offres intéressantes et que les concessions apprennent à soigner les clients intéressés.

Un nouveau souffle à trouver

Deux constructeurs, qui se sont très investis au début des années 2010 pour promouvoir la mobilité électrique, doivent trouver un nouveau souffle : Nissan et BMW.

En ce qui concerne le premier, la Leaf de première génération a très injustement été boudée en France. La marque nippone s’est pourtant évertuée à multiplier les actions : implantation de bornes avec différents partenariats en particulier avec Auchan et Ikea, offres commerciales salivantes, réseau accueillant et bien formé, très bon équipement du véhicule, multiplication des opérations séduction avec la presse, participation à quasiment tous les événements en rapport avec la mobilité électrique, développement d’architectures V2G, etc. Nissan méritait vraiment de mieux réussir dans l’Hexagone !

Aujourd’hui, la marque s’implique apparemment beaucoup moins en France sur le sujet. La 2e génération de Leaf, perfectible, apparaît désormais comme un modèle de transition avant quelque chose de mieux.

On reproche au constructeur de conserver le standard CHAdeMO pour la recharge rapide. Mais c’est un élément clé de ses projets de réseaux intelligents qui nécessitent la recharge bidirectionnelle. A noter que cette fonctionnalité arrive prochainement avec Combo CCS.

En revanche la technologie e-Power que le constructeur compte nous faire avaler prochainement ressemble à un retour en arrière.

Groupe BMW

BMW a aussi mis le paquet en lançant sa i3 en 2013. Très en dehors des sentiers battus habituellement par la marque, cette voiture électrique a été l’occasion de réinventer des moyens plus vertueux de production incluant les énergies renouvelable, un volume important de matériaux recyclés, beaucoup moins de volumes d’eau employés, etc.

Le constructeur à l’hélice a tenté de faire apprécier sa i3 via quelques partenariats très divers. Ainsi avec Norauto qui la propose encore aujourd’hui à la location à très petits prix à ses clients dans l’attente d’une opération de réparation ou d’entretien. Fidèle à son image de marque premium, BMW s’est aussi associé à Relais & Châteaux avec un programme d’installation de bornes de recharge.

Le succès n’a pas vraiment été au rendez-vous en France pour la i3. Même les opérations commerciales exceptionnelles au cours desquelles elle a été proposée à prix cassés n’ont pas déchaîné les passions.

Résultat, BMW et sa filiale Mini ont opéré un virage vers des modèles plus selects qui n’aide pas à les classer aujourd’hui dans les acteurs les plus engagés dans la promotion de la mobilité électrique. Les directions prises apparaissent plus floues pour ce groupe aussi à l’origine du réseau Ionity.

Mercedes

Mercedes est bien plus actif dans les poids lourds électriques (camions et autobus) que dans les voitures particulières.

Bien sûr, il y a le concept EQS, les travaux sur les batteries à électrolyte solide, etc. Bien sûr, il y a déjà des voitures électriques badgées de l’étoile qui sont commercialisées. Bien sûr, il y a eu l’année dernière la tournée de promotion de l’EQC en France avec l’EQ Electric Tour. Bien sûr il y a ces mailings envoyés par la Poste aux clients et prospects.

Mais on sent bien qu’il manque quelque chose pour rendre la démarche crédible à court terme et avoir envie d’y adhérer. Le sort que Daimler réserve à Smart n’aide pas. La marque va migrer en Chine avec une offre toute différente et l’usine lorraine devrait prochainement être liquidée.

PSA

Chez PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel), c’est très flou. Une action laisse à penser que ca y est, le groupe a bien pris le virage de la mobilité électrique, et fait un pas en avant … et paf, un pas en arrière suit rapidement derrière !

Les Peugeot e-208 et Opel Corsa-e, par exemple, sont de très bonnes voitures électriques, mais on ressent un manque d’implication au sommet du groupe, d’envie de réussir la mutation électromobile… qui ne donne pas vraiment envie de pousser la porte des concessionnaires de ces marques. Comme si PSA n’était pas vraiment concerné et/ou fier de ces engins. Cachez ces électriques que nous ne saurions voir !

En réduisant les VE à de simples motorisations sur des modèles thermiques, le groupe semble vouloir se faire discret, trop discret, sur la mobilité branchée. Ce qui se ressent forcément dans nombre de concessions qui ne font vraiment pas d’effort pour placer une version à batterie de traction.

Comme chez Mercedes, PSA s’active à lancer les utilitaires électriques avec des déclinaisons en navettes ou monospaces plus ou moins luxueux. C’est beau, c’est confortable, mais surtout c’est cher et combien d’automobilistes sont concernés par ces modèles ?