Boeing, Airbus, la NASA, Audi, Daimler, Uber …de nombreux mastodontes industriels mais aussi de jeunes start-up comme Ehang ou Volocopter investissent des sommes considérables dans le développement de taxis électriques volants autonomes. Pourtant la perspective de voir ces drôles de machines envahir un jour le ciel de nos cités suscite bien des scepticismes. Selon une critique souvent entendue à l’encontre de ces VTOL[1], il s’agirait d’un moyen de transport très énergivore dont l’empreinte carbone serait catastrophique. Des scientifiques ont étudié la question et leur conclusion est surprenante.

Tous les grands constructeurs automobiles – mais aussi aéronautiques – se livrent à une course effrénée pour le développement de voitures autonomes. Mais, comme nous l’avions expliqué dans un article précédent, une compétition parallèle plus discrète se joue au niveau mondial : c’est à celui qui maîtrisera le premier la technologie des voitures électriques volantes. La colonisation par ces engins du ciel de nos cités marquera une rupture technologique peut-être encore plus importante que celle de la mobilité électrique autonome car elle modifiera profondément nos habitudes de vie, de travail et de déplacement. Elle aura aussi un impact considérable sur l’architecture des cités du futur.

Bloqué dans le trafic, qui n’a jamais rêvé de pouvoir décoller et surfer au-dessus de l’embouteillage dans une voiture volante. Dans un futur pas si lointain, ce fantasme pourrait devenir réalité. A l’occasion d’une interview récente, Dennis Muilenburg, le grand patron de Boeing a déclaré : « D’ici 10 ans le ciel des villes américaines sera parcouru par des véhicules électriques autonomes. Ils amèneront les gens à destination en évitant les artères aujourd’hui congestionnées. Nous verrons des villes comme Washington DC avec des modèles de trafic en trois dimensions au lieu de deux dimensions ». Pour M. Muilenburg « ce développement pourrait aller vite à cause de la convergence des avancées technologiques actuelles : mobilité autonome, intelligence artificielle, conception de véhicules légers et transmissions électriques ». L’avenir nous dira s’il voit juste. Mais selon plusieurs experts, les taxis volants autonomes pourraient être opérationnels plus rapidement que les voitures autonomes, celles-ci n’étant pas attendues avant 15 à 20 ans. C’est que la mobilité terrestre est plus complexe à gérer que celle de l’air où les obstacles sont moins nombreux et plus prévisibles. Dans le ciel il n’y a ni piétons, ni carrefours, ni bandes de circulation, ni panneaux de signalisation, ni poids lourds …

Les ingénieurs conçoivent déjà la façon dont les voitures volantes se déplaceront. Elles entameront leur vol en s’élevant verticalement comme un hélicoptère puis grimperont à au moins 300 mètres. Arrivées à l’altitude de croisière elles pourront voler à 240 km/h. L’atterrissage sera également vertical.

Un VTOL pourrait s’envoler et se poser sur un espace restreint : la surface nécessaire pour garer 4 bus côte à côte sera largement suffisante. La société allemande Volocopter – qui a été rachetée par le groupe Daimler – a étudié en détail l’infrastructure nécessaire pour le développement de son modèle de taxis volants.

La start-up imagine des « hubs Volo » et des « ports Volo » installés sur des toits de bâtiments. Les premiers sont des sortes de gares où les volocoptères pourront atterrir et décoller toutes les 30 secondes. Après l’atterrissage, le volocoptère est transporté à l’intérieur du hub et les passagers peuvent débarquer, tout en étant protégés du vent et des intempéries. Les batteries seront remplacées automatiquement afin que le volocoptère puisse repartir peu de temps après. Ces hubs pourraient permettre le transit de 10.000 personnes par jour. Quant aux « ports Volo », plus petits, ils seront prévus pour offrir un accès direct à une entreprise, un centre commercial, un hôtel ou une gare par exemple. Ils ne nécessiteraient aucune infrastructure de chargement ou de stationnement et seront moins complexes à construire.
La vidéo ci-dessous illustre parfaitement ce concept.

Impact environnemental

Tout cela est bien beau mais qu’en est-il de l’empreinte carbone de ces taxis volants du futur ? Au moment où la lutte contre les changements climatiques devient un enjeu majeur, les développements technologiques, quels qu’ils soient, ne peuvent évidemment pas ignorer cette problématique. Une équipe de scientifiques de l’Université du Michigan a examiné la question et publié le résultat de ses recherches dans « Nature communications ». « Nous n’imaginions pas que les voitures volantes pourraient jouer un rôle dans un système de mobilité durable », nous confie Akshat Kasliwal, responsable de l’étude, « nous avons été surpris du résultat ».

Kasliwal et ses collègues ont comparé une hypothétique voiture volante à batterie à deux véhicules circulant au sol : une voiture à moteur thermique et une voiture électrique alimentée par batterie.

Les chercheurs ont simulé divers scénarios. Ils ont d’abord calculé les émissions de CO2 que chaque modèle de voiture produirait si elle transportait un seul passager. La voiture thermique émet des gaz à effet de serre par son tuyau d’échappement. Les voitures électriques et les voitures volantes ne produisent pas d’émissions directes pendant le déplacement, mais les chercheurs ont comptabilisé la pollution associée à la production de l’électricité nécessaire à leur fonctionnement, en se basant sur le mix électrique des Etats-Unis. Pour des trajets courts allant jusqu’à 35 km, la voiture thermique émet moins de CO2 que la voiture volante. Pour les voyages plus longs, la voiture volante est plus « verte ». Mais clairement, pour ce scénario, la voiture volante ne pourrait jamais égaler les faibles émissions de la voiture électrique à moins que le trajet ne dépasse les 120 km.

Dans un 2e scénario, les chercheurs ont refait leurs calculs en supposant que la voiture thermique et la voiture électrique embarquaient 1,54 passagers (ce qui correspond à la moyenne actuelle aux États-Unis) et la voiture volante transportait 3 passagers (pilote non compris). Pour un trajet de 100 km, ils ont alors constaté que la voiture volante était 52% plus « propre » que la voiture thermique et 6% plus « verte » que la voiture électrique. Pour compenser les émissions plus importantes dues essentiellement à la phase de décollage la voiture volante doit donc parcourir une distance relativement longue et transporter suffisamment de passagers. Un des avantages de la voiture volante est qu’elle relie 2 points en ligne droite et qu’elle parcourt donc en général moins de kilomètres qu’un véhicule terrestre.

Pour être “verte”, la voiture volante doit parcourir une distance suffisamment longue et embarquer suffisamment de passagers

Pour les auteurs de l’étude, ces résultats suggèrent que les voitures volantes pourraient être plus durables si elles étaient utilisées comme transports en commun ou services de taxi en covoiturage. « Les gens seront probablement disposés à délaisser leur véhicule personnel et à utiliser des taxis volants, car ils pourront les amener plus rapidement à destination », nous confie Akshat Kasliwal. « Non seulement les VTOL ont une vitesse de pointe beaucoup plus élevée et ne sont pas ralentis par les bouchons, mais ils peuvent emprunter des itinéraires plus directs et ainsi parcourir moins de kilomètres ».

Les voitures volantes autonomes seront encore plus propres lorsqu’elles seront alimentées par davantage d’électricité verte. Ainsi, les scientifiques ont noté que les émissions des VTOL seraient deux fois moins élevées dans un État comme la Californie, où l’électricité est produite par davantage d’énergies renouvelables que dans d’autres États.

Or la feuille de route de l’Union européenne pour le climat prévoit de porter d’ici 2030 la part des énergies renouvelable à 27 %. Cet objectif sera revu en 2020, dans la perspective d’atteindre les 30 %. Et l’ambition pour 2050 est de produire au moins 80 % et si possible 100 % d’énergie verte. Si, dans l’avenir, les taxis volants deviennent un mode de transport commun ils seront donc certainement plus propres que les voitures thermiques actuelles.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

[1] VTOL : Vertical Take Off and Landing aircraft, en français : aéronef à décollage et atterrissage verticaux*

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