Le Peugeot e-Boxer L3H2, un beau bébé de 6 m de long et 2,50 m de haut.

Quand, un bon jour, on devient rédacteur en chef du plus grand site francophone spécialisé dans le véhicule électrifié, on remet plus que jamais en question ses propres choix personnels. Ainsi, comment procéder pour déménager de Paris à Strasbourg, où se trouve la rédaction d’Automobile Propre ? Louer bêtement un van classique, donc diesel, ou choisir plutôt un modèle électrique et en faire ensuite un article ? Le deuxième choix, évidemment.

Le problème est que, tout le monde le sait, les utilitaires électriques actuels sont d’excellentes alternatives pour la livraison dite du dernier kilomètre, l’étape ultime de la chaîne de distribution en conditions urbaines ou à la limite périurbaine, avec des déplacements courts et à basse vitesse, mais rien d’autre. C’est uniquement une question de coût : pour offrir une autonomie décente à un rythme de croisière d’autoroute et/ou la possibilité de relier une métropole à une autre à un engin profilé comme une énorme brique, il faudrait l’affubler d’une batterie à la capacité considérable avec l’obligation, de plus, de la charger à une haute puissance, ce qui aboutirait à un prix d’achat astronomique. De même, comme nous en sommes encore aux balbutiements de l’électrique dans ce segment et que la demande des professionnels reste faible, les constructeurs ne peuvent tout simplement pas se permettre d’offrir des modèles spécifiquement développés pour la conduite sans émission et se contentent aujourd’hui de convertir des engins déjà existants avec les limites techniques de l’intégration que cela implique.

Le Peugeot e-Boxer, l’un des utilitaires électriques les plus polyvalents aujourd’hui

Où en est-on aujourd’hui ? Avec le Ford e-Transit, l’un des utilitaires les plus polyvalents en vente est le Peugeot e-Boxer, mais si vous n’aimez pas la production du constructeur au lion, vous pouvez opter pour un Fiat e-Ducato, un Citroën ë-Jumper, un Opel/Vauxhall Movano, ou même un RAM ProMaster en attendant la déclinaison Toyota puisqu’il s’agit exactement du même véhicule au badge près. Il est disponible en plusieurs longueurs de châssis, de L1 (4 963 mm) à L4 (6 363 mm) et en trois hauteurs, de H1 (2 254 mm) à H3 (2 760 mm), avec des volumes de chargement allant de 8 à 17 m³. Le moteur développe 122 ch ainsi que 260 Nm et est alimenté par une batterie à la capacité de 37 kWh pour les L1H1 et L2H2 et de 70 kWh pour les L3H2, L4H2 et L4H3. Cette dernière dispose d’un chargeur embarqué lui permettant d’encaisser jusqu’à 22 kW, ce qui est énorme en courant alternatif, et accepte aussi le courant continu via sa prise Combo CCS jusqu’à un moins impressionnant 50 kW.

L’autonomie annoncée officiellement par Peugeot selon la norme WLTP ? 117 km avec la petite batterie, 224 km avec la grosse. Et c’est ce dernier chiffre qui nous intéresse puisque notre modèle d’essai est un L3H2, mais il est déterminé à vide avec 100 kg supplémentaires ainsi que 28 % de la charge utile restante. Qu’en restera-t-il une fois totalement plein ? On ne sait pas vraiment, l’embonpoint supplémentaire a une influence, c’est certain, mais son importance varie d’un spécialiste à l’autre, le consensus se limitant à « ça sera moins ». Vous voulez un autre chiffre ? Sa vitesse maximum est limitée électroniquement à 90 km/h.

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Est-ce que je vais, envers et contre tout, insister pour utiliser cet outil alors que toute sa fiche technique m’indique noir sur blanc qu’il n’est pas adapté à ce que je lui demande de faire et que je m’expose volontairement à une expérience tout ce qu’il y a de plus désagréable ? Évidemment. D’abord par pur esprit d’aventure, par ce côté pionnier de l’électrique tout à fait flatteur pour l’ego, par un masochisme à peine voilé, mais aussi et surtout parce qu’il y a plusieurs niveaux dans le fait d’avoir tort et qu’il est important de déterminer précisément où se trouve le curseur. La conclusion peut en effet aller de « c’est possible, mais ça demande toutefois quelques légères concessions par rapport à un utilitaire thermique » à « c’est une catastrophe, l’expérience s’est terminée dans le caniveau d’une route de Seine-et-Marne entre deux champs de betterave face à un van en feu avec toutes mes affaires dedans ».

Quel itinéraire choisir ?

D’instinct, en empoignant mon fidèle smartphone avec l’incontournable application ChargeMap, nos voisins de bureau chéris, je me dirigeais plutôt vers un parcours autoroutier de 486 km majoritairement sur l’A4, en multipliant les arrêts certes, un tous les 130 à 140 km soit quatre en tout, mais en pouvant compter sur des recharges rapides via le réseau Ionity, qui est l’un des plus fiables. L’itinéraire obligeait même de passer par le Supercharger Tesla de Laxou ouvert à toutes les marques, ce qui achevait de me convaincre, juste pour l’idée de brancher un énorme utilitaire sur les fameuses bornes rouges et blanches sous le regard incrédule des disciples de la marque. Mais cette idée n’a pas survécu aux premiers kilomètres passés à bord de l’e-Boxer sur le trajet de retour du parc de Poissy. Il se montre étonnamment vif dans ses démarrages, mais, alors que je n’étais déjà pas particulièrement à l’aise à l’idée d’être à 90 km/h sur l’autoroute, même sur la voie de droite, cette vitesse maximum est atteinte – à vide – exclusivement sur le plat et en maintenant la pédale de droite fermement imprimée dans le plancher, le rythme de croisière favori du Peugeot semblant plutôt s’établir à 80 km/h compteur. De plus, la tentative de se brancher, pour tester, aux Superchargers ouverts de Vélizy 2 s’est soldée par un échec : la charge se lance, mais s’interrompt immédiatement avant de donner le moindre Wh. Mais les mines renfrognées des propriétaires de Tesla, malgré mes petits signes de la main sympathiques en réponse aux regards noirs, sont tout de même une victoire en soi.

Dommage, la tentative de se brancher sur un Supercharger Tesla s’est soldée par un échec.

Retour donc sur ChargeMap pour étudier des itinéraires alternatifs. Heureusement, je peux compter sur l’aide de mes adorables nouveaux collègues parmi lesquels on compte des électromobilistes chevronnés de la première heure, vous savez, les convaincus depuis toujours, ceux qui ont acheté les premières Renault Zoé quand le bonus écologique était proche du symbolique et traversaient déjà la France de part en part il y a 10 ans. Pour eux, utilitaire ou pas, la meilleure solution pour aller en électrique de la capitale au chef-lieu de l’Alsace réside dans la N4. On y roule moins vite donc on consomme moins donc on a moins besoin de s’arrêter pour charger, le trajet est plus court d’une vingtaine de kilomètres et il existe sur le parcours une infinité de bornes délivrant du 22 kW en courant alternatif et même quelques-unes en courant continu. On ne prévoit rien et on s’arrête quand on en a besoin. Une borne ne fonctionne pas ou est occupée ? Il y en a forcément une autre quelques kilomètres plus loin. Une façon de voir les choses avec une insouciance que seule leur vénérable expérience permet d’avoir et que je me décide à adopter.

Ce ne sont pas les bornes qui manquent sur la N4, comme le montre ChargeMap.

Le Peugeot e-Boxer, ce bricolage approximatif

Disons-le clairement, j’ai vu des rétrofits artisanaux mieux finis que cet e-Boxer pourtant accouché par l’un des plus grands et des plus puissants groupes automobiles de la planète. Cela commence par les classiques boutons D, N et R semblant avoir été achetés en solde dans une quincaillerie au coin de la rue puis lancés en l’air au-dessus de la planche de bord avant d’être collés là où ils sont retombés. Mais ce qui est proche du scandale, c’est l’instrumentation trônant derrière le volant que vous pouvez découvrir ci-dessous, avec, j’imagine, des yeux écarquillés et la mâchoire tombante comme les miens ont pu l’être. Oui, il s’agit bien de celle du modèle thermique, avec toujours compte-tours, jauge de carburant et température du liquide de refroidissement du Boxer thermique. Mais à qui on a enlevé les aiguilles.

Oui, c’est bien l’instrumentation du Boxer thermique, mais sans les aiguilles.

Toutes les informations concernant la propulsion électrique se trouvent dans le petit écran à cristaux liquides façon Game Boy inséré dans le rétroviseur central, inutile dans un fourgon tôlé, et se limitent à la portion congrue : la capacité de la batterie et l’autonomie restante au milieu ainsi qu’un voltmètre à gauche et un ampèremètre à droite fluctuant suivant les sollicitations de l’accélérateur. Pas de consommation instantanée ni moyenne en kWh/100 km donc, à moins de sortir un papier et un crayon pour effectuer quelques multiplications au volant. De plus, l’autonomie affichée n’est pas un calcul savant s’adaptant au style de conduite et au profil de la route sur les kilomètres précédents, comme la quasi-intégralité des véhicules électriques du marché mais, purement et simplement, le double du pourcentage de ce qui reste dans la batterie, en commençant avec 200 km à 100 %.

Et on termine ce tour du propriétaire par un énorme thermomètre situé en bas à gauche du volant et semblant être emprunté à un micro-ondes des années 90. Je pensais dans un premier temps qu’il affichait la température de la batterie, mais tout porte à croire que c’est seulement celle de l’habitacle.

Mais n’oublions pas que c’est un utilitaire, certes à 67 080 €, mais un utilitaire quand même, acceptons donc que cela tienne du détail et que la forme n’ait que peu d’importance tant que la fonction est là.

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Découverte sur les premiers kilomètres

Difficile de se prêter au jeu de l’écoconduite : la pédale de droite fonctionne comme un interrupteur, passant de l’accélération à la régénération et inversement avec un léger à-coup et sans les quelques millimètres de course où se trouve normalement la roue libre. La fameuse technique si efficace du Pulse & Glide, bien connue des hypermilers, délivre alors tellement d’à-coups qu’elle en devient insupportable. Cependant, en comparant les kilomètres réellement parcourus et ceux restant de l’autonomie, la consommation à vide juste avec le pied léger est une première bonne surprise, puisque, après 45 km de circulation périurbaine, l’affichage n’a retranché que 32 km. Confort et tenue de route sont aussi de bonne facture même à vide – et pour cause, l’e-Boxer fait presque 600 kg de plus que son homologue thermique – et l’absence de bruit et de vibration grâce à la propulsion électrique remplaçant un vrombissant diesel rugueux est très plaisante.

Avant le grand départ demain, il convient cependant de charger l’e-Boxer dans tous les sens du terme. Pour ce qui est de la batterie, partir avec 100 % s’annonce déjà difficile. Mes petites habitudes de branchement dans mon quartier sont dans trois parkings souterrains différents, mais le Peugeot est 60 cm trop haut pour pouvoir y rentrer. Et les quelques bornes en surface sont systématiquement squattées par des voitures thermiques. Mais les étoiles décident de s’aligner et je tombe sur l’emplacement parfait, suffisamment grand pour pouvoir se garer confortablement et, surtout, positionné sur la gauche d’une rue en sens unique. Car l’utilitaire au lion ajoute à son encombrement une difficulté supplémentaire : une nouvelle fois pour faire des économies, la trappe à carburant, située derrière la porte du conducteur, a été recyclée pour héberger la prise. Probabilité de pouvoir se brancher dans une rue à double sens avec donc la borne à droite ? Zéro.

La prise sur le milieu du côté gauche, une mauvaise idée.

Une fois raccordé sur un débit en courant alternatif, la puissance affichée se montre plus que satisfaisante, avec 18 kW affichés pour récupérer les 20 % de batterie manquants.

Une fois la batterie chargée, passons au camion lui-même

Je sais ce que vous allez vous dire instantanément en voyant la photo ci-dessous. « Mais enfin Pierre, tu es bien gentil, mais il est à moitié vide, ton van, c’est ni fait ni à faire, ton test, là ». Pourtant, non, vos yeux vous mentent, il est totalement plein. Et c’est là que réside probablement le plus gros facteur limitant de cet e-Boxer. Titulaire du seul permis B, je n’ai en effet pas l’autorisation de conduire un véhicule au poids total en ordre de marche (PTAC) supérieur à 3,5 tonnes, ce qui comprend le véhicule à vide, le conducteur et jusqu’à deux passagers et le chargement.

Et cela va très vite quand le premier chiffre s’établit déjà, pour cette version L3H2, à 2 715 kg, alors qu’il est au maximum de 2 135 kg pour l’équivalent thermique équipé d’un 2,2 HDi de 130 ch. Ajoutez votre serviteur légèrement au-dessus des 75 kg réglementaires, quelques trains de roues complètes pour mon véhicule personnel, deux bibliothèques démontées ainsi qu’environ 25 cartons et un voyant s’allume au tableau de bord vous indiquant que vous êtes hors-la-loi. Le jeu a ensuite été d’enlever les cartons un par un jusqu’à ce que ce doigt accusateur lumineux finisse, enfin, par disparaître.

À quoi bon opter alors pour ce châssis, sachant qu’il existe d’autres modèles un cran au-dessus en hauteur et en longueur ? À pouvoir charger sans avoir à se courber à l’intérieur pour préserver votre dos, mais sinon à pas grand-chose, à moins de vouloir transporter vos sculptures en polystyrène expansé ou d’être représentant en papier bulle.

C’est parti !

Le soleil se lève, le ciel est bleu, le trafic dégagé ce samedi matin, les conditions parfaites pour s’élancer sur la route direction l’Est. A4, N104 puis N4, le Peugeot e-Boxer avale les premiers kilomètres de façon imperturbable, se calant naturellement à 80 km/h au compteur sans sembler être perturbé par son chargement. J’estimais au doigt mouillé pouvoir parcourir 150 km avant de commencer à scruter ChargeMap pour déterminer un premier arrêt pour ravitailler en électrons, mais j’étais un peu pessimiste. C’est au niveau de Vitry-le-François, après 175 km, que je détermine que faire un léger détour vers le nord jusqu’à Bar-le-Duc permet de faire un premier arrêt à un supermarché Leclerc disposant de nombreuses bornes – dont une en courant continu délivrant jusqu’à 50 kW – pile à l’heure du déjeuner qui plus est. C’est un peu joueur, puisque cela fera arriver avec seulement 5 % restants soit 10 km d’autonomie, mais cela semble possible. Les oiseaux chantent, les champs, les forêts et les jolis petits villages se succèdent, c’est tellement plus agréable que d’être sur l’autoroute !

Il est 11 h 30 quand j’entre le sourire aux lèvres dans le parking surmonté du grand L après avoir effectué 234 km en une seule charge, bien au-delà de ce que j’imaginais possible, surtout chargé, puisque cela correspond à une consommation de 28,5 kWh/100 km ! Et je suis à mi-chemin de mon parcours au kilomètre près. L’ensemble des bornes se trouve près de l’entrée. Les places devant les bornes ne sont cependant absolument pas adaptées pour un camion tutoyant les six mètres et je dois me mettre légèrement en biais pour ne pas bloquer totalement le passage dans une travée. Un Peugeot e-2008 est en train de charger sur la seule borne DC, ChargeMap m’avait prévenu, mais le temps que je parvienne à me garer laborieusement, son propriétaire revient avec ses courses. Le temps qu’il se débranche, la conversation ne manque pas de s’engager. L’annonce du tarif de l’e-Boxer lui fait pousser un cri d’étonnement. « Mais c’est le prix que j’ai payé ma Tesla Model 3 Performance ! » s’écrit-il, le petit SUV étant celui de son épouse.

Quand tout à coup, tout bascule

C’est à mon tour de me brancher. Mais tout se passait trop bien. La carte ChargeMap valide la charge qui se lance… avant de s’interrompre sans délivrer le moindre kWh. La borne fonctionne, c’est certain, elle vient d’être utilisée, le problème vient du camion qui détecte bien qu’il vient d’être raccordé, mais il y a ensuite visiblement un problème de synchronisation qui stoppe tout chargement. Évidemment, je reproduis la procédure plusieurs fois, avec le même résultat. Je me décide donc à passer sur la charge AC grimpant à 22 kW, ce qui n’est déjà pas si mal. Pas plus de succès. Cependant, à la troisième fois et malgré le fait que je fais exactement la même chose, la charge finit par se lancer. Cependant, les informations délivrées par la borne et l’écran implanté dans le rétroviseur du camion ne sont pas les mêmes : la première m’annonce 11,7 kW, ce qui n’est pas fameux, le second… 5,8 kW, ce qui est franchement mauvais.

Je pars déjeuner en espérant à mon retour découvrir une puissance plus près du potentiel de l’e-Boxer, mais il n’en est rien. L’attente commence. Un jeune retraité vient se brancher avec sa Dacia Spring sur une borne AC alors que j’inspecte une énième fois l’avancée de la charge du camion. Lui est absolument ravi par son achat, il fait une vingtaine de kilomètres par jour et ne se branche que le samedi en venant faire ses courses. « Et encore, pas toutes les semaines ! » dit-il fièrement. Il a profité du bonus écologique et de la prime à la conversion en faisant reprendre sa vieille Renault Mégane. « Elle m’a quasi rien coûté au final, et quand je vois les petites annonces aujourd’hui, je pourrais la revendre en faisant une jolie culbute. Mais je la garde, je l’adore ! ». Puis il m’abandonne à ma solitude.

Les heures passent, la galerie marchande symbolique n’a désormais plus de secrets pour moi. J’étais décidé à attendre jusqu’à 100 % pour ensuite tenter de rallier directement Strasbourg, mais alors qu’il est 17 h, je finis par craquer alors que le camion est chargé à 55 %. Le nouveau plan est de retenter de le brancher avec le DC et sinon de partir direction Nancy, 86 km plus loin, où se trouve une multitude de bornes. Nouvel échec, c’est donc parti direction la préfecture de Meurthe-et-Moselle.

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Là, l’enfer commence. J’enchaîne huit bornes les unes après les autres, de différents réseaux en AC comme en DC, je crie même victoire en en repérant une exactement du même modèle que celle que j’avais pu utiliser près de chez moi avant de partir, mais non. Toujours pas. Et avec à chaque fois des manœuvres compliquées dans des parkings étroits qui mettent ma patience à rude épreuve. L’autonomie fond à vue d’œil et mon dernier espoir réside dans le Burger King d’Essey-lès-Nancy, un peu plus à l’est encore. Il me reste alors 20 km d’autonomie, il faut que ça fonctionne. Je commence par brancher le câble Type 2. Rien. Il y a aussi un câble intégré avec prise Combo CCS mais la prise du camion est trop éloignée de la borne située à l’avant. Agacé, je finis par l’avancer plus jusqu’à être à un centimètre de la barrière de la terrasse du fastfood. C’est suffisant pour se raccorder, mais nouvel échec. Cependant, un message d’erreur s’affiche : « Insulation error during cable check ». Il est 21 h 15, je suis toujours à 160 km de Strasbourg. Le désespoir commence à pointer le bout de son vilain nez.

Que faire alors ? Je ne peux pas héler un taxi direction la gare de Nancy et abandonner le camion avec la moitié de ma vie derrière. Einstein a dit : « la folie, c’est faire plusieurs fois la même chose et s’attendre à un résultat différent ». Mais même un génie a ses mauvais jours et je n’ai de toute façon rien d’autre à faire. Du coup, je persiste avec le DC. Une fois, deux fois, trois fois. À la huitième, la charge se lance et quelques Wh sont transférés avant de s’interrompre. Il est 22 h 30. À la neuvième, cela fonctionne de nouveau et ça se maintient ! La borne délivre 25 kW maximum, elle ne m’en donne que 21, mais je ne vais pas faire le difficile.

Enfin, la charge s’est lancée…

Il est 1 h 20. Les lumières du restaurant commencent à s’éteindre. La charge est à 98 %, bien plus qu’il n’en faut pour rejoindre Strasbourg. Je me débranche et me voilà reparti. Le temps est particulièrement lourd, l’orage gronde au loin avec des éclairs impressionnants et je m’y dirige tout droit. Puis les nuages se déchirent, une pluie violente s’abat, mais même le déluge ne peut entamer mon moral retrouvé. Est-ce que je suis allé trop vite en sélectionnant mon itinéraire sur Waze en optant pour le plus court trajet en distance en ne remarquant pas qu’il réclame 2 h 22 pour faire 160 km ? On ne va pas se mentir, on n’est plus à cela près : oui. Je passe donc par des villages minuscules et endormis, toujours sous un rideau de pluie. Laronxe. Azerailles. Baccarat. Raon-l’Etape. Moyenmoutier. La-Petite-Raon. Saint-Blaise-la-Roche. Schirmek. Lutzlehouse. Dorlisheim.Duttleheim. lkirch-Graffenstaden. Et enfin, Strasbourg.

Il est 4 h 30. La pluie s’est arrêtée alors que je me gare pour tenter une dernière fois de me brancher à la borne la plus proche de mon nouveau domicile avec 37 % de charge restante. Mais le temps que je fasse mes manœuvres, elle reprend de plus belle. Une véritable pluie tropicale sans la température alors que je tente tant bien que mal de dérouler le câble pour le raccorder, juste par principe. Je suis trempé jusqu’aux os pour rien, le camion refuse une nouvelle fois de charger. Le coup de grâce. Je décide alors de jeter l’éponge. Après une courte sieste, je décharge le camion tel un zombie. Je suis arrivé, c’est le principal.

Le dernier échec de charge, à Strasbourg.

Que retenir de cette expérience ?

Ce que je retiens, c’est que tout aurait pu très bien se passer. Malgré sa conception approximative, le Peugeot e-Boxer s’est révélé être un compagnon de voyage parfait sur la première moitié du trajet : confortable, silencieux, performant et efficient. Et cela aurait pu continuer sur ce ton s’il n’y avait pas eu ce véritable problème technique ayant perturbé les recharges. Je ne manquerai pas d’ailleurs de préciser lequel dès que Peugeot aura terminé de faire son diagnostic. Est-ce qu’on peut déménager sur 500 km avec un utilitaire électrique ? Oui, de façon même plaisante, mais évidemment à la condition qu’il fonctionne bien, exactement comme son équivalent thermique. À quel point j’en suis convaincu ? Je retente l’expérience à la fin du mois de juin avec un Ford e-Transit pour le deuxième round. Espérons que je n’aurai pas autant de péripéties à raconter.