Derrière la refonte du bonus se cachent des constructeurs français qui ont du mal à rivaliser avec les MG4 et Tesla Model 3.

Une limite de prix, une limite de poids : le fonctionnement du bonus écologique est plutôt simple à comprendre. Visiblement trop pour le gouvernement. Après avoir complexifié au fil des années la prime à la casse, il va faire de même avec les règles du bonus en ajoutant d’ici 2024 une nouvelle condition d’attribution : un bilan environnemental de la production de la voiture. Plusieurs critères seront évalués pour donner un score global qui donnera accès ou non au bonus.

Sous l’argument écologique, du protectionnisme patriotique. Pas vraiment caché en plus, puisqu’Emmanuel Macron a clairement indiqué que ce nouveau bonus doit favoriser la production européenne, et donc française. Après tout, les Etats-Unis viennent bien de mettre en place des aides réservées aux voitures assemblées chez eux. On se demande d’ailleurs pourquoi le critère géographique de production n’a pas été retenu. A l’échelle de l’Europe, Bruxelles aurait surement fermé les yeux.

Trop simple peut-être. Ou une manière de laisser passer à travers la moulinette de l’éco-score quelques françaises non made in Europe, comme la Citroen Ami (qui vient du Maroc), ou des autos assemblées loin de la France mais par des marques qui produisent d’autres véhicules chez nous, et qu’il ne faudrait quand même pas se mettre à dos (par exemple Toyota).

Derrière ce qui doit être avantagé, il y a surtout ce qui doit être pénalisé. Et là aussi, le chef de l’Etat n’en a pas fait un secret : les marques chinoises. Si leur tentative de percer chez nous il y a une quinzaine d’années avait tourné court, cette fois, les marques de l’Empire du Milieu commencent à ne plus faire rire du côté de l’Europe.

Il faut nuancer la menace de la grande invasion. Les déboires d’Aiways montrent qu’il faut avoir les reins solides pour percer chez nous. Mais la réussite de quelques labels plus costauds, comme MG et BYD, suffiront à perturber le marché européen. Les débuts pétaradants de la MG4 le prouvent. Assurément, la compacte chinoise vient piquer des clients aux firmes françaises. Elle est déjà dans le top 10 des ventes de voitures électriques en France, doublant une Zoé en pleine déroute.

À lire aussi Comparatif Vidéo – MG4 vs Renault Megane : un duel pour monter sur le trône des compactes électriques

En plus de prestation au niveau de ce qu’attend un client européen, la MG4 a l’argument massue du prix cassé. La MG4 est plus abordable que la citadine française, dont le positionnement tarifaire est devenu bancal. Mais visiblement, pour Renault, pas question de baisser le prix d’une voiture qui a déjà dix ans. On a préféré soutenir le gouvernement dans l’idée de priver la MG4 du bonus. Tant pis d’ailleurs au passage si la Spring perdra aussi le sien, vu qu’elle vient de Chine. Comme la MG4 donc, mais elle, c’est finalement son pays d’origine, elle n’est pas un produit délocalisé. !

Le gâteau n’est pas plus gros, avec l’arrivée des chinois, les parts risquent d’être plus petites. Elles le sont déjà d’ailleurs, car un autre vilain étranger s’accapare une sacrée part sur le marché français, Tesla bien sûr. Pour assurer sa croissance, l’américain a lancé début 2023 la guerre des prix. La chute des prix a permis aux Model 3 et Model Y de profiter à nouveau du bonus.

Résultat, les ventes s’envolent, surtout celles du SUV. Ce qui a agacé chez les français. Avant que le gouvernement annonce les nouvelles règles du bonus, un représentant d’une des marques tricolores (non précisée) déclarait dans Le Parisien : “Le bonus écologique a-t-il vocation à remplir les caisses d’une entreprise étrangère et concurrente ? À plus forte raison d’une firme de luxe qui cible les automobilistes les plus aisés ?”.

Quand on en vient à sortir des arguments de personnalités politiques, on sent qu’il y a de mauvais perdants. Tesla vise les riches, il faudrait arrêter d’aider une marque de riches. Sauf qu’à 41.990 €, la Model 3 coûte le même prix que la Renault Mégane électrique. Qui serait donc elle aussi une voiture de riches.

Chez Stellantis, pas d’inquiétude. Selon Carlos Tavares, “Stellantis n’a pas besoin de répondre à Tesla parce que le prix de nos véhicules est bien inférieur à celui de Tesla”. Il compare ses citadines et petits SUV électriques avec la Model 3 ! La déclaration s’est toutefois faite avant le lancement de la 308 électrique, facturée 48.000 € en France. Un tarif qui ne fait pas profiter d’un bonus à cette compacte affichant l’autonomie délirante de 410 km et d’une puissance de charge maximale de 100 kW. On sent quand même un certain amateurisme au moment de décider ce tarif, au point que Peugeot affiche déjà un rabais pour faire entrer la voiture dans la zone bonus.

Si Carlos Tavares n’a visiblement pas peur de Tesla, depuis plusieurs mois dans la presse, il sonne l’alerte sur l’invasion chinoise, prête à mettre à terre l’industrie française. Il évoque souvent un soutien de la Chine à ses marques. C’est sûr que l’Etat français n’a jamais volé au secours financier de PSA… On sent donc que le lobbying a bien marché auprès de nos politiques pour mettre des bâtons dans les roues de MG. En attendant, le prix de base de la Citroën C4 électrique a miraculeusement fondu de près de 5.000 €. Ses clients peuvent dire merci à la MG4. Enfin s’ils ne sont pas vite aller acheter la chinoise avant qu’elle ne perde son bonus.

J’imagine quand même que MG et Tesla, ces épouvantails du marché de l’électrique, arriveront à s’adapter à la perte du bonus, en réajustant encore leurs prix. Que feront alors les marques hexagonales en réaction ? Continuer de se plaindre auprès du gouvernement ?

Il est vrai que les règles sont inéquitables en matière de production. Entre la France et la Chine, les conditions de travail ne sont pas les mêmes, le made in France est ainsi plus cher que le made in China. Mais l’écart de prix du véhicule doit être en rapport. Car quand le Tesla Model Y Propulsion viendra de Berlin, que diront nos marques ?

Plutôt que d’en appeler à compliquer la tâche de la concurrence, il serait sinon plus simple de finir par aligner les tarifs et les prestations. Renault, c’est quand même un des constructeurs qui s’est lancé le premier dans l’aventure de l’électrique. Au bout de dix ans, la Zoé a encore un prix délirant. Et il a fallu attendre dix ans pour voir un deuxième véhicule électrique crédible dans la gamme, lancé la même année que la MG4. Et dix ans pour que le Losange annonce tout fièrement la création d’un réseau de recharge rapide grâce à son maillage en concessionnaires. Pendant que Tesla a déjà développé le sien en France…

À lire aussi Le patron de Stellantis ne veut pas baisser le prix de ses voitures électriques