Peut-on rouler sur plus de 1000 kilomètres à travers l’Europe en voiture électrique en utilisant uniquement le réseau de recharge Ionity ? Nous avons tenté l’expérience entre Marseille et Francfort avec un Hyundai Kona 64 kWh. Si le trajet s’est réalisé avec succès, il reste encore de gros efforts à faire pour couvrir l’intégralité du Vieux-continent en bornes de recharge ultra-rapides.

Pour rejoindre le salon automobile de Francfort depuis Marseille, nous avions plusieurs choix. Le moins cher, le plus rapide mais le plus polluant : l’avion, en 1h30. Le plus cher, plus lent mais moins polluant : le train, en 7h50. Et puis, entre les deux : la voiture. Électrique, évidemment. Nous avons alors été contactés par le réseau de recharge Ionity, qui nous a proposé d’effectuer le trajet en Hyundai Kona 64 kWh. Un itinéraire long de 1200 km que nous avons accepté de réaliser avec l’objectif de recharger exclusivement sur les bornes du consortium européen.

Nous quittons donc Marseille dans la matinée avec 95% de batterie. Il fait frais, 18 degrés à l’extérieur. Nul besoin de climatisation, nous activons simplement la ventilation classique. Le trajet commence rapidement par de l’autoroute. Nous ne la quitterons plus jusqu’à Francfort. Malgré un violent mistral de face, le Kona électrique ne montre aucun signe de faiblesse. Il affronte également une déclivité prononcée sur les premières dizaines de kilomètres, bien aidé par son moteur de 204 ch et 395 Nm de couple.

Pilote semi-automatique

La première étape de recharge n’est pas bien éloignée, mais nous utilisons déjà le système de pilotage semi-automatique pour gagner en confort de conduite. Sur autoroute, il maintient le véhicule droit dans sa file et ajuste sa vitesse en fonction de la circulation. Efficace, il freine et accélère sans à-coups. Nous l’ajustons à 130 km/h. La consommation moyenne est logiquement élevée en arrivant sur l’aire de Montélimar-est où se trouve la station de recharge Ionity récemment mise en service. Elle s’affiche à 21,8 kWh/100 km sur ces 170 premiers kilomètres.

Avec les 36% de batterie restante, nous aurions pu poursuivre le trajet sur plus d’une centaine de kilomètres. Mais la distance entre les bornes Ionity n’étant pas encore régulière, nous devons recharger ici. Le prochain arrêt-recharge se situe en effet à plus de 300 kilomètres. Sur la station de Montélimar-est, il n’y a aucune voiture électrique en charge. Nous branchons rapidement le Kona en utilisant le Chargemap Pass, l’un des opérateurs de mobilité qui permet de lancer et payer la recharge. Le tarif est forfaitaire : 9,21 euros, un peu plus cher que les 8 euros facturés par Ionity si l’on paye par carte bancaire via leur site mobile.

Le puissance de charge s’élève rapidement pour atteindre 77 kW après 15 minutes, le maximum accepté par le Kona. Le pic n’est cependant pas conservé bien longtemps. La vitesse diminue progressivement avant de s’effondrer à 36 kW passé 70%, 24 kW après 80% et 10 petits kW au-delà de 90%. Un phénomène tout à fait normal lors de la recharge rapide d’un véhicule électrique. Nous débranchons à 96% de batterie après avoir rechargé 43 kWh en 1h11. Le tableau de bord indique une autonomie suffisante pour rejoindre la prochaine étape : la station Ionity de Bonneville, à 303 km.

Bilan de la recharge sur la station Ionity de Montélimar-est

Puissance moyenne de la recharge 36.41 kW
Plage de batterie rechargée 36 – 96  %
Temps de charge 1h11
Quantité rechargée 43,08 kWh
Température extérieure 20 °C

Autoroute coupée et climatisation

Quelques minutes après avoir repris l’autoroute, nous sommes confrontés à un embouteillage majeur. Un poids-lourd s’est couché en travers des voies et la circulation est totalement arrêtée. Le soleil irradie et pour éviter que l’habitacle se transforme en serre, nous activons la climatisation flux faible à 22 degrés. A bord du Kona comme sur de nombreux véhicules électriques, l’air froid est fourni par une pompe à chaleur très économe en énergie. Plus élevée au début, la consommation de cet équipement diminue fortement dès que la température sélectionnée est atteinte. Dans notre situation, il consomme entre 0,2 et 0,6 kW. En théorie, nous aurions assez de batterie pour tenir une centaine d’heures avec la climatisation et le système multimédia. Contrairement aux idées reçues, les voitures électriques semblent donc capables d’assurer un confort correct en situation exceptionnelle le temps de rétablir la circulation ou d’attendre une évacuation.

Après plus de quatre heures d’attente, l’autoroute est libérée. Nous poursuivons le trajet avec le pilotage semi-automatique placé entre 115 et 120 km/h. En début de soirée, nous parvenons à la station Ionity de Bonneville. Elle est déserte, comme toutes les autre stations sur lesquelles nous avons rechargés jusqu’à Francfort. Il reste 9% de batterie (33 km) au terme de cette étape de 303,4 km. Un résultat plutôt satisfaisant qui prouve qu’en abaissant légèrement la vitesse (115 km/h au lieu de 130 km/h), on peut titiller les 350 km d’autonomie sur autoroute avec le Hyundai Kona 64. La consommation moyenne s’est élevée à 18,1 kWh/100 km.

Lancée en une poignée de secondes, la recharge plafonne à 72 kW avant de se réduire significativement au-delà de 70%. Nous quittons la station après une heure d’attente et un niveau de batterie de 85%. Si nous n’avons jamais atteint le pic maximal de 77 kW, la puissance moyenne de recharge est nettement meilleure que lors de la précédente session de recharge.

Bilan de la recharge sur la station Ionity de Bonneville

Puissance moyenne de la recharge 52.81 kW
Plage de batterie rechargée 9 – 85 %
Temps de charge 1h00
Quantité rechargée 52,81 kWh
Température extérieure 10 °C

Petits détours pour rejoindre les bornes

Tard dans la soirée, nous marquons l’arrêt pour passer la nuit dans un hôtel à Lully, en Suisse. Nous avons parcouru 625,5 km dans la journée et affiché une consommation moyenne de 19 kWh/100 km. Le lendemain, nous poursuivons sur les autoroutes helvètes. Proche de Bern, nous rechargeons sur la station Ionity de Grauholz. Nous avons du effectuer un petit détour pour atteindre l’aire, située dans le sens inverse de notre trajet. Un petit inconvénient en attendant un meilleur maillage des bornes du consortium européen. Il reste 25% de batterie au terme d’un trajet de 216,5 km où la consommation moyenne n’a pas dépassé 17,9 kWh/100 km.

Surprise, sur cette borne la puissance de recharge démarre chichement à 52 kW. Il faut attendre plusieurs dizaines de minutes avant un sursaut jusqu’à 76 kW. Branchés pendant 47 minutes, nous stoppons la charge à 80% de batterie. Le forfait est légèrement plus élevé lorsqu’on recharge avec le Chargemap Pass sur les bornes Ionity suisses : 10,05 euros au lieu de 9,21 euros dans les pays de la zone euro.

Bilan de la recharge sur la station Ionity de Grauholz

Puissance moyenne de la recharge 48.98 kW
Plage de batterie rechargée 25 – 80 %
Temps de charge 0h47
Quantité rechargée 38,37 kWh
Température extérieure 14 °C

 

Freinage régénératif

L’itinéraire est désormais composé d’autoroutes limitées à 120 km/h à déclivité négative, favorisant une faible consommation et l’utilisation du freinage régénératif. Sur le Kona, le système se gère via des palettes au volant. Elles permettent d’augmenter ou d’abaisser la puissance de ce frein moteur qui recharge la batterie dès qu’on lève le pied de l’accélérateur. Pratique dans les longues descentes pour ménager les plaquettes et gagner en confort de conduite.

En conséquence, la consommation moyenne est très faible à notre arrivée sur la station Ionity de Mahlberg en Allemagne : 15,2 kWh/100 km pour 184,8 km parcourus. Cette fois, nous lançons la charge par carte bancaire. Pour cela, il faut scanner le code-barre figurant sur la borne avec son smartphone. Il renvoie vers le site mobile de Ionity afin de procéder au paiement. Le réseau mobile est faiblard et la connexion au site se fait donc très lentement. Nous patientons plusieurs minutes pour charger la page. L’ergonomie n’est pas très fluide, mêlant des informations superflues et confuses pour tout novice. Notre carte de crédit renseignée, il faut de nouveau attendre de longues minutes avant que la borne lance la recharge.

Le modèle de borne utilisé sur cette station est différent. Celle-ci est fabriquée par l’australien Tritium, concurrent du géant ABB qui fournit l’essentiel des bornes Ionity. Lors de notre essai, elles ont accusé un temps de lancement bien plus long. Un défaut rattrapé par la belle qualité d’affichage des informations de recharge sur son grand écran tactile. Arrivés avec 38% de batterie, nous repartons avec 94% au terme d’une session d’1h08. En utilisant le paiement par carte bancaire, nous avons payé 8 euros.

Bilan de la recharge sur la station Ionity de Mahlberg

Puissance moyenne de la recharge 37.16 kW
Plage de batterie rechargée 38 – 94  %
Temps de charge 1h08
Quantité rechargée 42.11 kWh
Température extérieure 18 °C

Duel de bornes

Francfort n’est plus qu’à 240 km par l’itinéraire le plus rapide. Ainsi, ce quatrième arrêt-recharge aurait pu être le dernier pour boucler ce périple. Mais dans l’impossibilité de recharger pendant la nuit à l’arrivée, nous sommes contraints d’ajouter une ultime étape. Un détour de 70 km qui nous mène sur la station Ionity de Bingen-am-Rhein. Le trajet de 228 km est laborieux via des autoroutes saturées limitant la vitesse à moins de 100 km/h. La consommation moyenne reste donc faible avec 17,7 kWh/100 km.

Sans que l’on comprenne pourquoi, la recharge se lance dès le branchement de la voiture sur cette station. Nous n’avons pas eu à l’activer, la session est donc totalement gratuite. De 33% de batterie, nous passons à 95% en 1h09. Comme sur la précédente recharge, la puissance moyenne est faible car nous avons fait le choix de poursuivre la session au-delà de 80%.

Bilan de la recharge sur la station Ionity de Bingen-am-Rhein

Puissance moyenne de la recharge 38.7 kW
Plage de batterie rechargée 33 – 95 %
Temps de charge 1h09
Quantité rechargée 44,51 kWh
Température extérieure 20 °C

Bilan du trajet

Nous achevons les 70 derniers kilomètres jusqu’au centre de Francfort via l’autoroute à faible allure. Le trajet a été long, étalé sur deux jours mais n’a subi aucun problème de recharge. Habitués au longs trajets tourmentés via les bornes de recharge françaises, nous avons été bluffés par l’efficacité du réseau Ionity. Un monde sépare ces deux gestionnaires de bornes. Toutes les recharges ont été activées en moins de 5 minutes, si ce n’est 20 secondes pour la plupart. Aucune n’a disjoncté ou présenté d’anomalie. La fiabilité a été irréprochable. Le prix forfaitaire de 8 euros (9,21 euros avec le Chargemap Pass), est également attrayant puisqu’il est fixe quelle que soit la quantité d’énergie récupérée et le temps passé. Il devrait cependant évoluer dans les prochains mois vers une facturation au kWh, moins avantageuse mais plus juste.

Le véhicule utilisé, un Hyundai Kona 64 kWh, s’est également montré efficace et confortable au cours de ce très long trajet. Il développe une puissance élevée tout en restant relativement sobre et propose un système de pilotage semi-automatique abouti. Contrairement à certains modèles, le Kona autorise le fonctionnement de la climatisation et du système multimédia pendant les recharges. Il pèche toutefois par sa puissance de charge moyenne : un peu moins de 43 kW dans les conditions de notre trajet. Si le pic maximal de 77 kW est souvent atteint, il ne dure pas bien longtemps. De plus, la vitesse chute drastiquement dès 70%, là ou d’autres véhicules parviennent à maintenir une puissance élevée jusqu’à 85 %.

Malgré la durée de ce périple, nous pouvons être satisfaits de constater l’évolution rapide du réseau de recharge Ionity. Relier Marseille à Francfort en voiture électrique était inenvisageable seulement quelques années auparavant. C’est aujourd’hui possible dans des délais et contraintes considérablement réduits. Il reste cependant à réaliser d’importantes évolutions. La répartition des stations Ionity est encore hétérogène et l’essentiel des bornes se concentre sur la moitié nord de l’Europe. Le pourtour nord de la méditerranée est très peu équipé et les projets d’implantation de nouvelles stations sont rares.

Il y a également à faire dans les pays bien pourvus pour affiner le maillage et éviter d’imposer plusieurs petits détours aux utilisateurs pour rejoindre les aires d’autoroute dotées d’une station. Enfin, le paiement et l’activation de la charge par carte bancaire doit être améliorée. Certaines zones sont encore mal couvertes par les réseaux mobiles, obligatoire pour accéder au site internet de Ionity. L’idéal serait de pouvoir payer directement sans contact sur la borne.

Statistiques du trajet

Marseille – Francfort

Distance parcoure 1175,9 km
Temps de trajet (route et recharges) 18h*
Consommation moyenne 17,9 kWh/100 km
Consommation totale Environ 210 kWh
Nombre de recharge 5
Puissance moyenne de recharge 42,92 kW
Coût des recharges 36,47 euros

*temps d’attente dans l’embouteillage majeur déduit

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