Rien ne va plus sur le réseau CNR. Pionnier lors de son lancement en 2017, ce corridor déployé le long de la vallée du Rhône fait aujourd’hui face à d’importants problèmes de disponibilité. Une situation que dénonce les usagers et que tente de résoudre l’opérateur qui subit la « faiblesse » du matériel utilisé.

Tout commence par une simple publication sur Facebook. Celle de l’AUBE, l’association des utilisateurs de bornes électriques, qui s’alarmait le mois dernier de l’état du réseau de bornes rapides de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). 8 stations hors service, 12 stations avec une borne sur 2 HS et seulement 6 stations à 100 % opérationnelles listait alors l’association, dénonçant un réseau “à l’agonie”.

« Le constat est assez alarmant. Quand on prend le réseau en entier, on ne peut que constater l’ampleur des dégâts » souligne Frédéric Allari, Président de l’AUBE. « Les utilisateurs aguerris ont abandonné le réseau. On sait que cela ne marche pas donc on va ailleurs » poursuit-il, pointant du doigt la fiabilité des bornes utilisées par la CNR. « C’est assez navrant de voir que du matériel de ce prix-là ne tienne pas la distance » se désole-t-il, invitant les équipes de la CNR à changer le matériel.

« La CNR ne mérite pas ça »

Utilisateur de Nissan Leaf depuis plus de 5 ans, Patrick dresse le même constat. « J’ai toujours trouvé que la CNR avait été exemplaire dans la mise en place de ce corridor dans le sens ou ce sont de vraies stations, bien balisées avec systématiquement deux bornes. C’était un beau boulot et une belle démarche » souligne-t-il. « La CNR ne mérite pas cela, et je le pense très sincèrement. Ils ont investi et en être à situation, c’est triste » poursuit-il.

Plus que l’opérateur, lui aussi dénonce les problématiques matérielles du réseau. « On ne peut absolument pas compter sur ces bornes EVTronic (fournisseur CNR ndlr). On retrouve d’ailleurs les mêmes problèmes sur le Corri-Door Izivia et à Grenoble où le même fournisseur a livré les bornes » dénonce-t-il. Pour Patrick, les problèmes sont même allés beaucoup plus loin qu’une simple impossibilité de charger. « Lors de la charge, ma voiture s’est mise à plusieurs reprises en erreur. En un an et demi, ma voiture a fini trois fois sur un plateau. A l’époque, constructeur et fournisseur des bornes se sont renvoyés la balle sans me donner d’explication. Depuis, cela s’est calmé. Je touche tu bois… » explique-t-il.

Les délais d’intervention sont également pointés du doigt. « On a une station à Aix-les-Bains, c’est la première fois que j’ai pu recharger depuis le mois de mars. Sur les deux bornes, l’une ne fonctionne toujours pas. Le problème, c’est qu’ils sont aujourd’hui incapables de dépanner rapidement. Entre quelques jours, quelques semaines voire quelques mois… il faut être patient. En tant qu’utilisateur pionnier, on tolère un certain nombre de choses mais on a du mal à voir comment le commun des mortels peut aller vers l’électrique dans ces conditions » alerte-t-il.

Un opérateur conscient des problèmes

« Faute avouée à moitié pardonnée » dit-on. Sans chercher à minimiser la situation, la CNR reconnait les problématiques rencontrées par les utilisateurs. « Aujourd’hui, on tourne à environ 50 % de taux de disponibilité sur le réseau » chiffre Fréderic Storck directeur de la transition énergétique et de l’innovation au sein de la CNR.

« Nous avons souhaité être précurseurs sur la charge rapide à une époque où il n’y avait pas forcément de bornes. Notre objectif était de permettre aux utilisateurs de sortir les utilisateurs de leur zone proche en créant ce corridor. L’idée était bonne mais là où on a été trop confiant, c’est sur la fiabilité dans le temps de ces matériels qui étaient à l’époque très nouveaux » détaille notre interviewé.

« Assez vite, dès fin 2017, on a observé des défaillances. On avait dans un premier temps la garantie du fournisseur. Après les deux ans de garantie, les défauts n’ont pas cessé » poursuit notre interviewé pour qui le rallye du Leaf France Café, organisé il y a deux ans, a été révélateur de la fragilité du réseau. « Le besoin d’utiliser les deux bornes d’une même station en même temps a révélé de nombreux problèmes » détaille-t-il.

Des actions mises en œuvre

« On travaille d’arrache-pied avec le fournisseur et concepteur des bornes, notre mainteneur et Freshmile qui assure depuis 18 mois la supervision du réseau pour assurer au mieux les opérations et la remontée d’information. Avec notre mainteneur, nous essayons d’anticiper la commande de pièces de recharge et avons mis en place depuis peu une seconde équipe pour réduire les délais d’intervention. Malgré la mise en place de ce contrat de maintenance musclé, nous ne sommes pas arrivés à inverser la tendance. On constate surtout que l’on fait face à une fragilité d’origine des bornes » précise le représentant de la CNR.

« On est confronté à des difficultés importantes » reconnait notre interviewé, donnant pour Automobile-Propre quelques exemples des problèmes rencontrés : soucis d’électronique de puissance, de cartes électroniques, écran, étanchéité. « On a même eu des bornes affectées par la foudre » complète-t-il, justifiant les problèmes par le positionnement précurseur du réseau. « A l’époque, nous étions parmi les premiers. On n’a pas eu cette expérience qu’on maintenant les autres bornes. Aujourd’hui, avec les nouvelles bornes, l’auto-diagnostique à distance permet d’identifier la panne avant même l’arrivée du technicien. L’assemblage a aussi évolué. Les nouvelles bornes sont plus industrielles. Cela facilite les opérations de maintenance »

Pour la CNR, le corridor reste une véritable vitrine qu’elle ne compte pas abandonner. « Malgré ses difficultés que l’on accumule on souhaite absolument rester au service des utilisateurs et faire en sorte que cela fonctionne. Ce n’est pas un objet de com’ que l’on va laisser tomber quand cela ne marche pas » insiste Frédérick Storck.

Un bon significatif

« On ne peut se satisfaire d’une disponibilité à 50 %. Pour vraiment changer les choses, il faudrait monter à 80 % » chiffre notre interlocuteur. « On veut une amélioration franche ! Les 20 % de disponible restants, on passera sans doute un peu plus de temps pour y parvenir » explique notre interviewé.

Quant à la question du changement du matériel évoquée par le Président de l’AUBE, c’est aussi une piste envisagée. « Si on ne tient pas cet objectif à 80 %, on a commencé à évoquer en interne l’idée de reprendre une partie du projet pour changer les bornes. Sur certaines d’entre elles, nous envisageons installer des bornes plus puissantes. Cela permettrait de faire d’une pierre deux coups » détaille Frédéric Storck.

Et si c’était à refaire ? « On a décidé de mettre des bornes tous les 30 kilomètres. Avec le retour d’expérience, on s’aperçoit qu’il y a des bornes très utilisées, d’autres moins. Il y a des implantations que l’on reverrait sans doute. On a très bien fait de mettre deux points de charge sur les deux stations ce qui permet de palier au problème de disponibilité. Rajouter une seconde borne, ce n’est que 20 % d’investissement en plus. Sur la qualification du matériel, on serait plus exigeants aujourd’hui. Pour ne pas jeter la pierre au fournisseur, la techno a aussi pas mal évolué ces dernières années. Grâce aux retours d’expérience, ils sont eux aussi montés en qualité » souligne notre interviewé.