La Nissan LEAF à Oslo

Rares, très rares sont les pays ou Etats du monde où les véhicules électriques ont franchi le cap symbolique du 1 % de part de marché automobile. Plus rares encore sont ceux où il est impossible de ne pas croiser une voiture électrique ou des infrastructures de charge pour VE à chaque coin de rue ou presque. La Norvège est de ceux-là. Cela n’en fait pas pour autant le plus gros marché du VE étant donné la taille du parc automobile norvégien. Pourtant, le pays a cet immense privilège d’être reconnu comme le leader mondial du VE. Le miracle norvégien du XXIème Siècle ?

I. Le paradoxe norvégien

Seul pays exportateur net de pétrole en Europe, la Norvège est paradoxalement celui où le marché du VE a dépassé les prévisions les plus optimistes dès les premiers mois de commercialisation des voitures électriques de nouvelle génération.

À Oslo, le touriste de passage sera forcément impressionné devant le grand nombre de Nissan LEAF, de Tesla Model S, de Peugeot ion/Citröen C-zéro//Mitsubishi i-Miev ou encore de « buddy », la microcar électrique locale.

II. Le pragmatisme norvégien

Les Buddy Car en cours de recharge

Pendant que les collectivités locales françaises se cassent la tête depuis des années à savoir où et comment installer des bornes de charge publiques pour VE, la simplicité avec laquelle les autorités norvégiennes ont solutionné le problème est assez déconcertante : à Oslo, de simples prises de courant en 220 V installées en bordure de trottoirs et dans des parcs de stationnement réservés aux VE semblent donner pleine satisfaction aux électromobilistes. Rien de très surprenant lorsque l’on sait la part des recharges effectuées à l’intérieur des sphères privées (domicile, bureau, amis, entreprise…) chez les utilisateurs quotidien de VE.
En complément de ces prises standards, on trouve aussi quelques bornes de charge rapide, à proximité des grands axes notamment, afin d’augmenter ponctuellement le rayon d’action des VE.

III. Un pays qui sait compter

La voiture électrique en Norvège

Contrairement à la France, la Norvège est un pays qui sait compter. Plutôt que de faire rouler des voitures à pétrole qui brûlent un carburant à 6 c€ H.T / kWh dans un moteur à 25 % de rendement moyen effectif, les norvégiens ont très vite compris les vertus de l’électricité (100 % renouvelable en Norvège NDLR) pour couvrir leurs besoins de mobilité du quotidien.

C’est particulièrement vrai dans la grande région d’Oslo qui compte à elle seule près de 30 % des habitants du pays!

Pour faire comprendre aux citoyens l’urgence à sortir du tout pétrole dans le transport, le gouvernement norvégien a opté pour une arme d’une redoutable efficacité lorsqu’il s’agit de faire changer les comportements : la fiscalité.

À 1,80€ TTC le litre de SP95 ou de gazole, inutile de sortir la calculette pour comprendre l’intérêt de préférer l’énergie électrique, fût-elle facturée en moyenne 30 % plus chère qu’en France taxe incluse.

À l’instar de la Suède, pays voisin le plus proche, la Norvège a compris depuis un petit moment déjà, qu’en matière d’énergie, la politique des prix bas est définitivement l’ennemi du bien : pourquoi continuer à gaspiller lorsqu’on peut consommer moins en étant plus efficace ?

Mieux : en consommant de l’électricité produite à partir de barrages hydro-électriques à un coût marginal inférieur à 5 c€ H.T / kWh dans des VE à plus de 80 % de rendement (perte par distribution incluse), la Norvège continue d’exporter son précieux pétrole à ses voisins, pour le plus grand bonheur de sa balance commerciale.

IV. Pendant ce temps-là en France…

La France a beau être la championne d’europe du train électrique, pour le moment, difficile d’en dire autant de la voiture électrique.

Les ventes de VE ont cloturé l’année à moins de 1 % de part de marché. Commercialisée depuis mars 2013, la très attendue Renault ZOE s’est écoulée à très exactement 5 511 exemplaires pendant que la Clio IV occupe fièrement la 1ère place du podium avec + de 100 000 immatriculations ( presque 120 000 en incluant les versions utilitaires 2 places) dont plus de 60 % en version diesel.

Outre la location de batterie chère à Renault et l’absence de cable de recharge occasionnel, l’autre grand coupable est connu depuis bien longtemps : la fiscalité en vigueur sur le gazole. Indigne de l’époque dans laquelle nous vivons, le prix du kWh de gazole continue de s’afficher fièrement entre 20 et 40 % moins cher que le prix du kWh de SP 95 selon l’utilisateur final (particulier ou entreprise).

Contrairement à la Norvège, la France a une industrie automobile héritée du siècle dernier qu’elle continue tant bien que mal de protéger en maintenant une fiscalité sur le gazole artificiellement basse. Pourtant, au fil des ans qui passent, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette politique archaïque étant donnée les résultats peu flatteurs enregistrés par l’industrie automobile française à l’échelle européenne ?

Sur ce sujet, malgré toutes les bonnes volontés et les initiatives émergentes autour des véhicules électriques, force est d’admettre que les automobilistes restent à la merci des choix politiques de nos vieux décideurs. Plutôt que de maintenir un niveau d’aides conséquent à l’achat de véhicules faiblement émetteurs de CO2, le moment ne serait-il enfin venu d’adresser un signal fort aux 40 millions d’automobilistes hyper dépendants au pétrole en augmentant progressivement le prix du précieux fluide pour les aider à s’en désintoxiquer ?

Qu’on se le dise, la France du XXème siècle n’a pas d’avenir dans celle du XXIème. L’honneur du politique, c’est de préparer l’avenir, pas de sauvegarder le passé. Espérons que ce nouvel appel à la raison sera entendu au-delà des traditionnels clivages droite-gauche qui peinent à admettre qu’il y a urgence à changer d’époque…