Autonomie illimitée, batterie Tesla de 85 kWh, moteur de 100 chevaux : les caractéristiques du van électrique converti par Rémi Pillot séduisent. Depuis plus d’un an, le géo-trouvetout Marseillais prépare un tour du monde en totale autonomie énergétique. Objectif : libéraliser les conversions de véhicules thermiques en électrique, promouvoir les énergies renouvelables et la mobilité propre.

Il n’a pas attendu la sortie de l’ID Buzz, la version rétro-futuriste électrique de l’emblématique Combi Volkswagen, pour se lancer dans un tour du monde zéro émissions. Ingénieur aéronautique de formation, Rémi Pillot s’est lancé en 2016 dans un défi technique assez complexe : convertir un vieux Volkswagen Transporter de 1990 en un van électrique alimenté par un toit et une remorque solaire.

Un projet qui dépasse le challenge personnel puisque le jeune technicien veut en faire le point de départ d’une future start-up. Une entreprise qui devra simplifier la conversion de véhicules électriques, aujourd’hui quasiment irréalisables en France, en commercialisant des packs sur le même modèle que les kits GPL. La société commercialisera également des remorques « groupes électrogènes » solaires, d’ici 2022. Le prototype, en cours de conversion, doit partir d’ici l’automne 2018 pour un tour du monde de 50 000 kilomètres en totale autonomie énergétique.

Des batteries récupérées sur une Tesla Model S accidentée

A Istres, dans les Bouches-du-Rhône, où la machine est ressuscitée, l’on saisit rapidement l’importance du projet. Il faut traverser une route cernée par des barbelés le long de la base aérienne 125, déposer une pièce d’identité au poste de contrôle et longer de vastes hangars. L’ambition de Rémi Pillot a convaincu VSM, une société de simulateurs aéronautiques, qui héberge l’ingénieur pour mettre au point son véhicule.

L’atelier est jonché de pièces désossées en cours d’assemblage : sur un banc, des modules de batteries Tesla extraites d’une Model S accidentée. Commandés auprès d’EV West aux États-Unis, chaque module a coûté 1.100 dollars, majorés de 35% pour les frais de douanes et d’expédition. La première moitié, d’une capacité de 42,5 kWh, doit terminer sous le châssis du van. L’autre, qui sera achetée un peu plus tard pour des raisons financières, sera intégrée dans la remorque solaire-génératrice de 750 kg qui accompagnera le véhicule dans son périple.

Un moteur de Ford Transit électrique

Au sol, une pièce massive intrigue : une partie semble usée et l’autre neuve. Il s’agit d’un moteur électrique Siemens de 100 chevaux et 200 Nm issu d’un Ford Transit. Il est soudé à la boite de vitesse d’origine du combi. Un mariage rendu possible par la fabrication d’une pièce de jonction unique et qui permet une intégration plus simple au sein du van. L’ensemble n’alourdit pas significativement le véhicule, puisque le moteur électrique de 80 kg remplace un moteur thermique volumineux et un réservoir d’essence massif.

Le combi sera coiffé de panneaux photovoltaïques ultra-fins facilement déployables qui devraient générer jusqu’à 10 kWh en crête. Avec un onduleur de 2x 5 kW et un chargeur de 2x 6,6 kW sous 230 volts, l’ingénieur prévoit un temps de charge d’environ 8 heures dans des conditions d’ensoleillement optimales. Ainsi, il espère franchir 400 kilomètres par charge et ne jamais utiliser les réseaux publics d’électricité pour assurer un tour du monde 100% renouvelable.

Une remorque-génératrice 100% solaire avec batteries Tesla

Attelée à l’arrière du van, la remorque solaire est partie intégrante du processus de recharge. Elle doit produire jusqu’à 85 kWh par jour et en stocker la moitié dans 200 kg de batteries étalées sur le plancher. Rangés à l’intérieur comme des livres dans une bibliothèque, les panneaux solaires peuvent se déployer par groupe de 8, 16 ou 32 en moins de cinq minutes en fonction des besoins. Pour satisfaire sa vocation de groupe électrogène zéro émissions, la remorque sera équipée de plusieurs prises et notamment des connecteurs triphasés standards capables de délivrer 2 kWh en continu. Elle pourrait alors être « mise à disposition d’ONG sur des zones sinistrées », selon son créateur, qui promet un « retour sur investissement malgré un coût à l’achat plus élevé [qu’un générateur thermique]».

Avec sa compagne Alexandra Perfettini qui l’assiste dans les procédures administratives, la logistique et la communication, Rémi Pillot profitera du trajet pour intervenir et présenter son projet dans chacun des 30 pays qu’il prévoit de traverser. Un itinéraire d’environ 50.000 kilomètres au départ d’Istres à travers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud, qui sera certainement semé d’embûches à surmonter.

Une douche avec le circuit de refroidissement des batteries

Après six mois de recherche et développement, l’ingénieur s’affaire actuellement sur le « système de gestion intelligente » du van et le CANbus, qu’il conçoit intégralement pour gérer les cheminements d’énergie entre panneaux solaires, chargeurs, onduleurs, batteries et commandes du véhicule. Il vient tout juste d’achever le délicat câblage des modules et de l’électronique. Le technicien a notamment du augmenter la section des fils, de 37 à 67 mm² afin qu’ils puissent résister aux 700 ampères et 200 volts spécifiques au système embarqué. Il a aussi du retirer le BMS (Battery Management System, qui contrôle la charge et décharge des cellules de la batterie) d’origine protégé par Tesla, pour greffer un modèle produit par Orion. Enfin, il doit également adapter le circuit de refroidissement à eau des batteries, installé de série sur les packs Tesla, pour alimenter un petit réservoir d’eau chaude sanitaire qui sera utilisé pour la douche extérieure du van.

Pour démêler ce casse-tête, Rémi Pillot a reçu l’aide de Marc Areny, un spécialiste de la conversion de véhicules thermiques en électrique. (voir notre article) Le Français s’est exilé en Roumanie pour poursuivre ses activités face à la complexité des démarches en France. Des obstacles si grands qu’ils ont aussi fait céder le jeune ingénieur, à l’origine décidé à faire homologuer son van en France. Il s’est donc résigné à envisager une homologation et immatriculation au Royaume-Uni. La procédure était bien trop coûteuse et sinueuse dans l’hexagone.

Un projet à plus de 100.000 euros

Déjà très investi financièrement, Rémi Pillot ne pouvait pas prendre le risque d’une homologation en France. L’homme a en effet mobilisé 52.000 euros de sa poche sur le prototype et recherche actuellement les 50.000 autres qui lui permettront de terminer la fabrication de la remorque et assurer la logistique du voyage. A l’âge ou certains de ses amis achètent une maison, lui investit dans un projet plutôt prometteur. Il lancera d’ailleurs une campagne de financement participatif et de recherche de sponsors dans les prochains mois.

Au terme d’un trajet de 50.000 km et d’une année et demie, Remi Pillot devra plonger dans la commercialisation et l’industrialisation de son système de conversion et de sa remorque solaire. Il espère faire pression sur les autorités pour ouvrir un nouveau marché : celui des conversions de véhicules thermiques en électrique. Un marché qu’il estime prometteur avec le désamour pour le diesel et la nécessité de convertir les vieux véhicules de collection à forte valeur sentimentale pour qu’ils puissent continuer à circuler sans restrictions. Une opération à la carte selon les besoins du client qu’il promet « moins chère qu’un véhicule électrique neuf ».

Vous pouvez suivre l’avancée du projet sur sa chaîne YouTube et sa page Facebook.