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Rencontré au départ du Catalan electric Tour, Philippe Bercy a aux lèvres le constant sourire amusé de celui à qui on ne le fait pas ! En matière de voitures électriques, il a quelques longueurs d’avance sur la plupart d’entre nous : il roule branché depuis les années 1980 !

Du ZX-80 au tricycle

Dans sa vie, Philippe Bercy a touché à beaucoup de choses. Au milieu des années 1980, c’était un fana de l’informatique. Le monde scolaire lui a permis de découvrir l’ordinateur individuel ZX-80 inventé par Sinclair.A l’époque, en mordre pour les calculateurs passait quasi impérativement par la connaissance de tout ce que pouvaient produire leurs constructeurs.

Sir Clive Sinclair, lui, avait une manie (lire notre article) : miniaturiser tout ce qui pouvait l’être, de la radio à la voiture, en passant par la télévision et l’ordinateur individuel. « J’ai acheté mon tricycle Sinclair C5 dans les années 1980 chez un faillitaire à Lille », commente Philippe Bercy, plutôt satisfait d’avoir trouvé un public à étonner.

Le Sinclair C5 - Souce Wikipedia

Le Sinclair C5 – Souce Wikipedia

Pour aller au travail

Si le Sinclair C5 nous apparaît aujourd’hui comme un engin de collection ou à utiliser dans des manifestations dédiées, il y a une trentaine d’années, il existait quelques furieux des nouvelles technologies balbutiantes prêts à s’accommoder de productions hors normes, du moment qu’elles remplissaient à peu près l’usage de celles qu’elles remplaçaient.

« J’utilisais mon Sinclair pour aller au travail à Carcassonne », témoigne Philippe Bercy. « J’avais mis un fanion pour bien être repéré dans la circulation, mais ma femme ne voulait pas trop que j’utilise le C5 », poursuit-il. Dans notre article de février, nous avions listé les plus gros inconvénients de l’engin.

Effectivement peu visible des automobilistes et conducteurs de poids lourds, le Sinclair C5 offre aussi une vitesse d’évolution trop lente dans un trafic fluide, un manque de protection contre les intempérie, et une position de pilotage inconfortable avec le visage au niveau des pots d’échappement des voitures et camions.

Philippe Bercy confirme : « Il n’y a pas sur le C5 de système de réglage pour reculer le siège ; avec mes 187 centimètres, l’engin est trop petit pour moi ». Et pour la sécurité, « le mieux était d’emprunter les pistes cyclables », aurait-il pu donner comme conseil à l’époque.

Pas de suspension

« Et puis l’absence totale de suspensions me provoquait des maux de dos », se rappelle notre interviewé qui met en avant un point positif majeur : « Il est électrique ! ».

A l’origine, le Sinclair C5 est équipé d’une batterie plomb-acide Oldham responsable du tiers du poids à vide du petit véhicule monoplace. « J’avais remplacé la batterie plomb contre une NiCD », révèle Philippe Bercy. De quoi aller plus loin que les 30-40 kilomètres d’autonomie constatée en utilisation réelle avec les lourds accumulateurs.

Qu’est devenu cet exemplaire d’un engin devenu fort rare aujourd’hui ? « Je l’ai toujours ! », répond notre interviewé avec une once de malice dans le regard. Cette expérience de la mobilité électrique n’a pas dissuadé Philippe Bercy de rouler branché. Au contraire, son tricycle a été le premier d’une série qui continue à s’incrémenter doucement.

Lyra

La Lyra électrique. Source : e-kart.frDerrière la Lyra : la société vendéenne Jeanneau de construction de bateaux de plaisance qui disposait d’un savoir-faire en moulage de pièces polyester. Au début des années 1980, l’entreprise compte se diversifier, notamment en produisant des voitures sans permis.Pour cela, la société Microcar est créée, qui sortira tout d’abord la RJ49.

Dix ans plus tard, en 1992 plus exactement, ce nouveau constructeur estime que le marché pourrait être mûr pour accueillir des modèles électriques et met le paquet en se permettant de produire la Lyra de façon industrielle, en série.

Cette 2 places disposerait d’une autonomie comprise entre 50 et 80 kilomètres, selon les documents d’époque. « Il vaut mieux ne pas compter sur plus de 55 kilomètres », rectifie Philippe Bercy. « J’ai acheté ma première Lyra, neuve, au milieu des années 1990, puis j’en ai trouvé 2 autres, en occasion, pour mon père et moi, dont une rallongée pour permettre à son utilisateur chez EDF de placer une caisse à outils », détaille-t-il.

NiCD

Microcar n’était pas en retard, en équipant déjà au début des années 1990 ses Lyra de 8 batteries NiCD 6 V 140 Ah Saft, réparties en 2 moitiés à l’avant et à l’arrière, en alimentation d’un moteur Leroy-Somer à courant continu.

« La Lyra monte au maximum à 75 km/h », commente Philippe Bercy qui confirme ainsi la documentation d’époque. « C’était alors ma voiture principale : j’allais au travail et j’emmenais ma fille à l’école avec », se remémore-t-il.

Avec des accumulateurs dont l’espérance de vie était donnée pour 10 ans à raison de 10.000 km par an, à recharger via un appareil embarqué à connecter sur une prise domestique, l’engin aurait dû pouvoir se répandre facilement.

Penser cela, ce serait oublier le prix des batteries, qui constituait un frein important en France. C’est donc ailleurs, là où des politiques urbaines interdisaient déjà l’accès à certaines zones aux voitures à essence et diesel, que la Lyra rencontrera un meilleur succès. Ainsi, par exemple, en Allemagne, Norvège et Suisse.

Bonne à tout faire

« On faisait tout avec la Lyra, et on se branchait chez les copains quand il le fallait », se souvient Philippe Bercy. « Pour préserver l’autonomie, on ne dépassait pas les 70 km/h », poursuit-il.

Et s’il utilise le qualificatif de « super », notre interviewé reconnaît qu’il se sentait plus tranquille à utiliser la VSP branchée sur les petites routes, à l’écart d’une circulation trop dense et rapide. Une photo prise dans le courant des années 1990, à La Rochelle (17), témoigne qu’EDF présentait au public la Lyra, parmi d’autres modèles électriques. Pour précision, cette voiture a aussi été produite dans des versions à essence ou diesel plus répandues.

Peugeot 106

Au moment de la sortie de la Lyra, PSA et Renault travaillaient déjà sur des projets de voitures électriques exploitant également la technologie NiCD pour les batteries, parfois même sur des modèles proposés aussi avec des accumulateurs au plomb.

Alors que le programme des années 1980 concernant une Peugeot 205 électrique est resté plutôt confidentiel, ceux qui s’intéressaient déjà un minimum à la mobilité branchée ont vite repéré, lorsqu’il y en avait, les 106 qui ont effectivement circulé dans les rues depuis 1995.

On estime que ce modèle est le plus vendu au monde parmi les voitures électriques produites dans la dernière décade du XXe siècle. « J’ai acquis aux enchères ma Peugeot 106 dans les années 2000 », commente Philippe Bercy. « Bien qu’équipée en 4 places, elle provenait d’EDF », poursuit-il.

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Un joli cadeau

La nouvelle arrivée dans la famille Bercy prend immédiatement le statut de voiture principale. Un beau cadeau est fait à notre interviewé, auquel il ne s’attendait pas. « A la suite d’une révision effectuée chez Peugeot au bout d’un mois, le hacheur, le chargeur et la batterie ont été changés aux frais d’EDF », indique-t-il. « Cette voiture peut rouler à 90 km/h et je pouvais compter sur une autonomie de 85 kilomètres, même en hiver », chiffre-t-il.

Son défaut ? « Elle est un peu lourde », répond immédiatement Philippe Bercy. Si l’on se réfère aux essais d’époque, la Lyra semblait étonner par sa vivacité, sans doute permise par une carrosserie en polyester sur un châssis court, et un équipement plutôt léger.

La 106, elle aussi, exploite une chaîne de traction très similaire à celle de la voiture sans permis branchée de Microcar, mais sur la base d’un modèle thermique conçu pour embarquer jusqu’à 5 personnes dans un minimum de confort. Même avec une accélération linéaire, la citadine du Lion ne colle pas violement ses passagers aux sièges lors des démarrages et accélérations.

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Fuite

« Pour l’instant, ma 106 roule moins, car il y a une fuite de liquide de refroidissement sur un des éléments du bac arrière », révèle Philippe Bercy. « Mais rien de bien méchant », précise-t-il aussitôt, « car c’est la partie externe de l’enveloppe qui est percée ».

Une précision qui a toute son importance. Sur les batteries NiCD, à part pour le Renault Kangoo et d’autres engins qui en étaient équipées comme le scooter électrique Scoot’elec de Peugeot, une poche entoure chacune d’elles. Remplie d’un fluide caloporteur, cette dernière permet d’éviter aux éléments de monter dans des températures destructrices.

Si cette enveloppe est percée du côté de l’extérieur, il suffit de compléter le niveau de liquide de refroidissement très régulièrement, et changer rapidement la batterie concernée. En revanche, si la perforation est sur la face intérieure, le fluide se mélange avec l’électrolyte.

Il en résulte une baisse progressive de la capacité du pack, qui s’accentue ensuite par la contamination des autres blocs du même bac. Et là, à moins d’être un expert patient de cette technologie, difficile de rétablir le bon équilibre dans l’électrolyte, qui permettra de retrouver tout ou partie de l’autonomie perdue.

iOn

C’est alors qu’il arrivait avec sa Peugeot iOn que j’ai rencontré Philippe Bercy. Il avait fait le déplacement pour réaliser avec les participants au Catalan electric Tour, samedi 1er octobre dernier, le voyage entre Figueres (Espagne) et Perpignan (66).

La suite du parcours était déconseillée aux propriétaires des voitures électriques à moyenne autonomie, du fait des étapes longues et/ou énergivores. Lui, assure : « Même avec 1.000 mètres de dénivelés, je peux compter sur une autonomie d’une centaine de kilomètres en montagne ». Sa iOn, il l’a obtenue en août 2012, à 11.500 euros, alors que Peugeot avait décidé d’en brader plusieurs centaines d’exemplaires.

Avec un prix habituel de l’ordre du triple, les ventes n’allaient pas très fort à l’époque pour cet engin. « En un peu plus de 4 ans, j’ai déjà parcouru plus de 50.000 kilomètres avec cette voiture », reconnaît-il. Cette habitude de se déplacer de façon plus vertueuse, il la partage d’ailleurs en famille : « Ma femme utilise aussi nos voitures électriques ».

La Peugeot iOn affiche des dimensions particulièrement compactes

Ami du Padre Himalaya

Il est fréquent que les pionniers de la mobilité électrique soient engagés diversement dans des actions ou associations en rapport avec les énergies renouvelables.

A travers Les amis du Padre Himalaya (http://himalaya.vefblog.net), Philippe Bercy s’est investi depuis 2013 pour essayer de construire sur la commune de Sorède (66), à une dizaine de kilomètres de Argelès-sur-Mer, la réplique conforme au four solaire imaginé et construit en 1900, sur le même site, par Manuel António Gomes, dit Padre Himalaya.

« Les fondateurs de l’association ont retrouvé la trace de ce prêtre scientifique et inventeur qui avec son four solaire cherchait à transformer l’azote de l’air en engrais agricoles au bénéfice des plus pauvres », explique notre interviewé.

Avec ses 7 mètres de diamètre, la structure permettait de dépasser les 1.500°C ; presque rien, si on compare avec les 4.000 degrés atteints par le Pyrheliophere présenté par le même homme à l’Exposition universelle de Saint-Louis aux Etats-Unis, en 1904. La réplique du four solaire de Sorède a été inaugurée le jeudi 29 septembre de la présente année 2016, soit 2 jours avant l’envoi du Catalan electric Tour.

La tête en l’air ?

Un lien ténu existe entre l’électromobilité et Les amis du Padre Himalaya, avec la démonstration faite par eux, dans le cadre du Forum des associations, de l’exploitation de l’énergie solaire pour faire avancer des véhicules électriques à réserver plutôt aux enfants.

Plus globalement, l’action des bénévoles a permis d’ouvrir un espace de sensibilisation au développement durable et aux énergies renouvelables qui concernent aussi les VE. D’autres projets autour de ces derniers pour Philippe Bercy ? « Comme ancien instructeur en aviation, j’attends l’E-Fan d’Airbus pour me remettre à voler », répond-il avec cet amusement qui le caractérise.

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Philippe Bercy pour le temps pris à répondre à nos questions.