Présentée par certains constructeurs et concessionnaires comme une garantie incontournable pour leur durée de vie, la location des batteries de traction des voitures électriques peut poser quelques problèmes lors de la revente du véhicule. Témoignage !

Location imposée

Trois constructeurs ont imposé dès le départ la location de la batterie de traction à l’achat d’un véhicule électrique de leurs gammes : Renault pour ses Zoé, Twizy, Fluence et Kangoo Z.E., Bolloré pour ses Bluecar et dérivés dont la Bluesummer, et Smart pour sa Fortwo ED.

Citroën est entré dans la danse, mais uniquement et par la force des choses avec la E-Méhari qui n’est autre qu’une Bluesummer relookée et rebadgée des chevrons. Smart est le premier des 3 constructeurs à proposer désormais aussi la vente du pack avec la voiture pour ses nouvelles Fortwo et Forfour électriques.

Sujet brûlant

La location imposée des batteries est un sujet particulièrement brûlant qui soulève facilement les passions. Les différents articles que j’ai publié ici et là sur le sujet trahissent ma prise de position contre ce système.

Que la location du pack soit possible avec l’achat de la voiture, soit ! L’électromobilien peut alors faire un choix en fonction de l’état de ses finances et de la souplesse qu’il souhaite mettre en jeu pour le règlement du véhicule. En revanche, imposer la location rigidifie les conditions d’acquisition, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. On peut estimer que les constructeurs qui pratiquent ce scénario de façon exclusive ont perdu des clients. Dans quelles proportions ? Mystère !

La Zoé

Quoi qu’il en soit, la location des batteries imposée par Renault n’empêche pas la Zoé de caracoler en tête des ventes du marché branché en France. Mais ne nous trompons pas : ce scénario n’a jamais été un facteur dopant de son succès !

Prétendre le contraire, ce serait un peu comme soutenir qu’un pâtissier qui n’accepte comme moyen de règlement de la part de ses clients que les espèces, interdisant l’usage des chèques et des cartes bancaires, bénéficierait d’un meilleur chiffre d’affaires au final. En pratiquant de la sorte, notre artisan ne comptera pas davantage de clients. Il en perdra même qui n’auront, par exemple, pas toujours la monnaie sur eux. Mais si ses pâtisseries sont excellentes et que la maison est réputée, il pourra tout de même développer son commerce de façon satisfaisant, voire florissante.

La location des batteries facilitent la (re)vente…

Me sachant contre le principe de la location imposée des batteries à l’achat d’un véhicule de la gamme Z.E., Vincent Carré avait demandé à me rencontrer pour débattre du sujet en septembre 2013. Il était alors directeur commercial du programme ZE du Losange, et moi rédacteur en chef d’un Webzine pour un site qui a choisi d’aborder la mobilité durable sous un autre angle.

En fait de débat, il s’agissait surtout d’un monologue. Premier argument avancé par le dirigeant : « Nous ne voulons pas que des clients aient des motifs de se plaindre des batteries de leur voiture électrique ! », dans un contexte particulier, celui d’un manque de recul suffisant en matière de longévité des accumulateurs au lithium.

Second argument de Vincent Carré pour justifier la position du constructeur : « La location des batteries lève les craintes de revente du véhicule sur le marché de l’occasion ». Puisque que le contrat est transmissible, « le vendeur peut donc espérer un meilleur prix de sa voiture », avait-il complété.

…vraiment ?

Ce n’est pas une Renault Zoé que notre lecteur Christian Lenoir a dû vendre en acceptant dans l’urgence un prix inférieur de plusieurs milliers d’euros à la cote, mais une Nissan Leaf flex en finition Acenta. « Le conseiller commercial m’avait recommandé de choisir la location des batteries, une formule qui se voulait rassurante sur la pérennité du pack des batteries », se souvient-il.

« A l’époque, début 2015, j’ai suivi ce conseil par précaution, pour bénéficier du remplacement de la batterie en cas de problème », complète-t-il. « Au bout d’environ 2 ans et demi et 34.000 kilomètres parcourus, l’autonomie est toujours là et la batterie n’a pas rencontré le moindre problème », témoigne-t-il.

Raison de la vente

« Si j’ai mis ma Leaf en vente, c’est pour une raison simple : jusqu’à présent, je l’utilisais comme seconde voiture, mais je souhaite désormais faire de mon VE mon véhicule principal », justifie notre interviewé.

« Pour cela, j’ai besoin d’une autonomie de 200 kilomètres disponibles même en hiver ; La Leaf, dont j’étais d’ailleurs plutôt globalement satisfait, n’avait que 130-140 km d’autonomie et un coffre pas très pratique », plaide-t-il. « Puisque j’avais fait le choix de ne plus prendre de location de batterie avec l’achat du véhicule, pas question d’opter pour une Renault Zoé. Et pour une autonomie qui se réduit plutôt raisonnablement en hiver, j’ai fait le choix d’une coréenne à batterie lithium-ion polymère : une Hyundai Ioniq », poursuit-il.

Fixation du prix de vente

« Afin d’estimer le prix de revente de mon ancienne voiture électrique, je suis allé faire une estimation sur le site Internet de la Centrale », explique Christian Lenoir. Pour une Nissan Leaf Acenta flex de février 2015 avec 34.000 kilomètres au compteur, cette application de référence donne encore une cote de 13.462 euros. Pour info, la même voiture sans location de batterie est évaluée à 14.527 euros. Soit une différence relativement modeste de 1.065 euros, au bénéfice de cette dernière.

« Sur LeBonCoin et Automobile Propre, j’ai déposé une annonce avant l’été avec un prix inférieur à la cote, d’abord 13.200 puis 12.900 euros, en pensant accepter 12.500 euros », révèle notre interlocuteur.

Des acheteurs découragés

« Suite à mes annonces, je n’ai eu de contact qu’avec 2 personnes sérieusement intéressées mais finalement découragées par la location de batterie. La première était en région parisienne et comptait l’utiliser pour un fort kilométrage annuel. Mais à 122 euros de location mensuelle de la batterie pour 25.000 kilomètres maximum selon les termes du contrat Diac, à condition de s’engager sur 36 mois et en ayant à acquitter 5 centimes TTC du kilomètre supplémentaire, mon premier acheteur potentiel a trouvé que le loyer était dissuasif. Même chose pour le second qui avait besoin d’exploiter comme moi la Leaf avec environ 15.000 kilomètres à parcourir à l’année. Dans ce cas, le loyer mensuel serait resté à 86 euros. L’acquéreur potentiel a estimé que ce n’était économiquement pas avantageux par rapport à sa voiture thermique actuelle », détaille Christian Lenoir.

« L’obsolescence accélérée par les meilleures autonomies proposées sur les nouveaux modèles ne facilite pas la revente en occasion », déplore-t-il.

Pas moyen d’en sortir !

« Pour faciliter la vente, j’ai pensé racheter le contrat de location de la batterie, mais il m’a été répondu que ce n’était pas possible d’en sortir : une fois que la voiture a été vendue neuve avec un tel contrat, c’est pour la vie de la voiture ; c’est un contrat léonin », prévient notre interlocuteur.

Tant que l’engin n’a pas changé de propriétaire, la location des batteries continue à courir. « Pire encore : alors que j’ai prévenu la Diac le 7 août dernier, jour même de la vente, afin que les prélèvements soient suspendus de suite, mon compte a encore été débité en août et septembre, m’obligeant à faire établir une opposition auprès de ma banque », raconte-t-il, amer. « Au 27 septembre, je n’ai toujours pas reçu de la Diac les documents formalisant la résiliation de mon contrat », se désole-t-il encore.

De 17.400 à 8.880 euros

« Dans l’urgence, j’ai effectué une simulation via le site www.vendezvotrevoiture.com. C’est un site allemand qui propose en France d’être mis en relation avec des revendeurs professionnels. La première réponse était intéressante : 17.400 euros ! Mais quand j’ai indiqué que ma Leaf était attachée à un contrat de location de batterie, le prix a dégringolé à 8.880 euros ! », nous fait remonter Christian Lenoir.

C’est quasiment la moitié du montant de la proposition initiale. On est loin des 1.000 euros et quelque de delta annoncés par La Centrale ! « Comme j’étais dans l’impasse et que personne autour de moi n’était rassuré à s’engager dans un contrat de location des batteries, j’ai dû accepter l’offre sacrifiée », s’exclame-t-il.

Et pour une Zoé ?

Pour une Renault Zoé ou tout véhicule électrique qui n’est vendu qu’avec la location de la batterie, le problème serait sans doute différent. Bien sûr, le risque que les prélèvements ne soient pas arrêtés rapidement existerait, comme c’est aussi le cas lorsque l’on paye son téléphone, son électricité ou ses impôts de la sorte. Les émetteurs de ce type de moyens de paiement sont souvent lents à intervenir. Mais pour le prix de revente, il n’y a pas deux poids et deux mesures. Pas question alors pour les acheteurs professionnels d’opposer un tel argument pour faire chuter le prix.

Il serait intéressant que ceux qui ont vendu leur Zoé complètent le présent article en postant dans les commentaires leur propre expérience. De même pour ceux qui, comme Christian Lenoir, ont eu à revendre une voiture avec location de batterie pour un modèle qui existe aussi à l’achat intégral.

Certitudes

Pour notre interlocuteur, « une voiture électrique ne devrait être proposée qu’à la location ou à la vente complète ». Un point n’a d’ailleurs pas été abordé au sujet de la location de la batterie, c’est qu’un rejet par la banque du prélèvement associé, pour une raison ou une autre, donne au constructeur un motif pour bloquer à distance l’utilisation du véhicule.

Christian Lenoir s’interroge en outre sur le fait que « le loyer mensuel à acquitter pour la batterie reste le même pour toute la durée de vie du contrat, voire de la voiture ». A ce sujet, pour les anciennes Citroën Saxo et Peugeot 106 électriques, entre autres, le montant des loyers étaient régulièrement revus à la hausse, ce qui finissait par rendre la formule de moins en moins intéressante pour des voitures qui prenaient de l’âge et du kilométrage. Un bon moyen pour les écarter de la route !

Enfin, notre interlocuteur tient à dire ceci, en conclusion : « Quand on est un électromobilien convaincu, on paye facilement 10.000 euros de plus pour acheter un VE en comparaison avec un modèle similaire thermique. On participe ainsi à la recherche et au développement de ces voitures. Lorsqu’on se déplace assez loin de chez soi, on s’arrache les cheveux pour recharger nos VE pour des raisons de bornes, de connecteurs et de badges adaptés ou pas. En raison de tout cela, les constructeurs devraient témoigner de davantage de sollicitudes à notre égard ! ».

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Christian Lenoir de nous avoir proposé spontanément son témoignage pour rédiger le présent article.