En schématisant à la serpe, il existe 2 grandes familles de passionnés d’anciennes voitures : ceux qui collectionnent pour eux-mêmes, et ceux qui le font pour des raisons pédagogiques et de sauvegarde du patrimoine. Philippe Lacomblez est à classer dans cette dernière, qui n’hésite pas à se déplacer pour échanger des connaissances autour des anciennes petites voitures électriques : Porquerolles, Teilhol, Cèdre, etc.

Une vie au service de l’automobile

Philippe Lacomblez a une véritable histoire passion avec l’automobile qui l’a amené à entrer chez Citroën en 1977, pour en sortir en 2014 en amorçant un petit virage professionnel vers l’électrique. Sa carrière, il l’a commencée au service après-vente du constructeur, d’abord à Nanterre. Il s’est ensuite investi dans celui de la qualité, en liaison avec le réseau, pour les modèles CX et XM. Il s’est enfin occupé de formation pour le personnel d’après-vente, un temps autour des boîtes automatiques, et des filtres à particules. Pour ces derniers, il a même déposé un brevet concernant leur nettoyage. Enfin, il a quitté l’entreprise en 2014, après s’être penché dessus la formation aux interventions sur les véhicules électriques.

Passion : de la M35…

La passion de l’automobile est intacte chez Philippe Lacomblez. Il est amusant de constater qu’aujourd’hui les voitures qui forment son petit conservatoire personnel ont un rapport avec son début et sa fin de carrière chez Citroën. En 1979, il récupérait une Citroën M35, ce fameux prototype qui a permis aux Chevrons d’essayer le moteur rotatif avant de l’installer sur une série un peu plus joufflue que d’ordinaire de GS.

« Je l’ai toujours ce prototype ! Il est resté en attente de restauration pendant plus de 35 ans, à l’abri chez moi. Au début, le moteur birotor démarrait, puis la segmentation a gommé à force de ne pas tourner suffisamment. Il est en chantier depuis 4 ans. Le châssis et la caisse ont été sablés, la suspension hydraulique et le moteur refaits. Le moteur a été remonté sur le châssis. Le plus gros du travail restant à faire, c’est la réfection de la caisse, qui doit être exécutée par un carrossier professionnel », détaille notre interlocuteur.

…à la Porquerolles…

« J’ai eu l’occasion de récupérer une Porquerolles électrique qui pourrissait dehors. C’était un véritable aquarium, ou plutôt un bassin, tellement il y avait de l’eau au fond de la barquette. Je l’ai remisé plusieurs années à l’abri, avant de m’en occuper, car je devais intervenir en priorité de la maison », explique Philippe Lacomblez.

« Quand j’ai pu, j’ai mis des batteries pour voir ce que ça donnait, mais la Porquerolles ne fonctionnait pas très bien. J’ai fait des recherches et j’ai pu contacter des personnes clés, comme Jean-Michel Horvat qui s’intéressait plutôt aux modèles Jarret de la première époque, Christian Lucas, de Mobil’Eco, et Jean-Claude Joly que j’ai rencontré rapidement. Ce dernier possédait alors 2 Porquerolles, dont l’une fonctionnait. L’autre avait une carte grise, ce qui m’a permis de pouvoir faire immatriculer la mienne en collection, donnant le feu vert à sa restauration. Le blog de Bernard Hocevar, qui a récupéré 2 exemplaires non fonctionnels de ce véhicule, m’a aussi bien aidé », poursuit notre interviewé. Depuis, sa Porquerolles restaurée a été présentée, en particulier, sur la piste de la Cité de l’automobile de Mulhouse (68) et dans le cadre du challenge e-Kart. Il en possède une autre, pas en état de rouler actuellement, mais qui a la particularité originale d’être fermée.

…et ensuite aux Teilhol

« Jean-Claude Joly avait aussi des Teilhol électriques, dont une fonctionnelle. J’ai été séduit par sa forme d’œuf, de culbuto. Ce qui m’intéressait, c’était l’aspect électrotechnique de cet engin. Jean-Claude Joly m’a donné l’exemplaire en version plage qu’il avait acheté », se remémore Philippe Lacomblez.

Des contacts autour de cette voiture ? « Là aussi, en cherchant, j’ai pu communiquer avec d’autres propriétaires de Teilhol électriques. Ce qui m’a permis d’apprendre que, comme pour les Porquerolles avec lesquelles elles les partagent, ces microcars ont reçu deux montages différents pour le variateur de vitesse. Avec un de mes contacts en Italie, via Skype, j’ai pu remettre partiellement en route le variateur d’origine dans sa fonction qui permet de faire avancer la voiture, mais pas dans celle de régulation de charge », répond-il. « J’ai réussi à acheter un modèle Messagette, puis un lot composé d’un exemplaire de ce même utilitaire et d’une Citadine. Par manque de place, je n’ai conservé que cette dernière en Teilhol électriques », révèle-t-il.

Arlanc

« Comme l’électronique de ma Teilhol Citadine ne fonctionnait pas, l’IUT de Sénart-Fontainebleau m’a aidé à adapter un variateur en 96 V. J’ai remis des batteries en état. La première sortie a été pour descendre à Arlanc, dans le Puy-de-Dôme, à une concentration de Teilhol », indique Philippe Lacomblez. C’est sur un plateau que la Citadine a rejoint cette commune où Raoul Teilhol avait construit l’usine de laquelle sont sorties les Rodeo 4, 6 et 5 sur base Renault, concurrençant la Citroën Méhari. Sur place, la microcar de notre interviewé était le seul modèle électrique représenté. « J’ai pu rencontrer lors de ce rassemblement des personnes qui ont travaillé sur ces voitures-là », commente notre interlocuteur.

Cèdre

« Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir une femme qui boit dans les cafés avec les hommes ? » : c’est le titre d’une comédie sortie en 1980, avec pour acteurs principaux Robert Castel et Michel Boujenah. S’il laisse des traces dans les annales du cinéma, c’est plus pour la longueur de son titre que pour les qualités du scénario.

On y voit une Cèdre 1000 , cette voiture électrique produite à une cinquantaine d’unités à la fin des années 1970 par François Guerbet, un ingénieur toulousain. « François Guerbet a dépensé beaucoup d’argent pour promouvoir la mobilité électrique, et espérait des retombées suite au passage de sa voiture dans ce film », commente Philippe Lacomblez qui mesure la chance qu’il a eu de rencontrer François Guerbet. Ce dernier avait placé des exemplaires de sa voiture dans une station balnéaire, mais l’opération a été avortée du fait des forains présents sur place qui criaient à la concurrence. « Pour la Porquerolles aussi, il y a eu des tentatives similaires, notamment à Porquerolles, mais aussi au bord d’une plage au Nord de l’Allemagne », ajoute ce passionné de technologies.

Jusqu’à 88 ans

Equipée d’une porte coulissante, une Cèdre à trois roues, – une à l’avant et deux à l’arrière -, se retrouve à nouveau sur le chemin de notre interviewé grâce à Jean-Claude Joly qui s’intéresse résolument aux véhicules atypiques. C’est ce dernier qui est propriétaire depuis 2000 d’un exemplaire qui était encore utilisé alors par une ancienne institutrice de 88 ans. Sans doute le seul microcar de ce modèle qui aura assuré son service pendant une bonne vingtaine d’années !

« Il y avait de mauvais branchements au niveau de la batterie et les câbles étaient corrodés. Le châssis a été réalisé en fer, bois et alu. Ce dernier matériau n’aime pas du tout les vapeurs d’acide ! », commente Philippe Lacomblez qui a participé à la restauration de cette voiture à l’étonnante tenue de route, comme on peut le voir sur la vidéo d’une course qui s’est tenue à Vincennes il y a quelques années. Les images montrent qu’il existait un modèle Cèdre 2000, avec 4 roues à l’arrière, en version plein air. « C’est François Guerbet qui est au volant », souligne notre interlocuteur.

Remise en état complète

« La Cèdre a été remise en état complètement. Toute la partie câblerie a été refaite. Nous nous sommes contentés de remplacer les batteries plomb 100 Ah, pour des modèles 70 Ah. A l’arrière, le système de freinage monté d’origine, et à l’efficacité toute relative, ressemble à un mécanisme d’embrayage. Le moteur 24 V transmet le mouvement sur l’unique roue avant via un réducteur par courroies et chaînes. La variation de vitesse s’effectue, de façon déroutante, en agissant sur 2 leviers. La chaîne de traction de cette voiture est entièrement électromécanique », témoigne Philippe Lacomblez.

Dignes d’intérêt ?

Porquerolles, Teilhol Citadine, Cèdre 1000, etc. : Ces microcars électriques ont ils autant d’intérêt en collection que des Citroën Traction, Volkswagen Coccinelle ancienne, ou Peugeot 403 ? « Oui ! », s’empresse de répondre Philippe Lacomblez. Il y voit même un double intérêt.

« Au niveau du patrimoine automobile, ces véhicules prouvent qu’il existait dans les années 1970 des modèles électriques fonctionnels. Il faut donc les conserver et les mettre en avant », résume-t-il comme première raison de s’intéresser à ces engins. La deuxième vient de son expérience de formateur, lorsqu’il concevait des supports à destination de l’habilitation VE de certains agents Citroën. « Pour découvrir les véhicules électriques, travailler sur ces engins est intéressant car, sous 48 V, par exemple, il n’y a pas de risque d’électrocution. Il y a un véritable intérêt pédagogique à les exploiter, car on voit bien ce qui se passe au niveau électrique et électronique, notamment avec les variateurs de vitesse. Un court-circuit peut-être reproduit, mais avec des conséquences moindres », complète notre interlocuteur.

Des projets ?

« Du fait d’un problème de place, je ne vais conserver que la M35 dont je vais poursuivre la longue restauration, ainsi que la Porquerolles et la Teilhol Citadine remises en état. Pour cette dernière, j’aimerais trouver une solution viable pour les batteries. Celles au plomb qui l’équipent actuellement sont hors d’usage. Les changer coûterait environ 1.500 euros, pour des blocs qui seront à nouveau HS dans 6 ans. J’ai déjà envisagé une autre technologie de batteries, comme des lithium-ion. Pourquoi pas des batteries récupérées sur des voitures électriques actuelles ? », envisage Philippe Lacomblez comme suite à son petit conservatoire personnel.

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Philippe Lacomblez pour le temps qu’il a consacré à répondre à nos questions, et pour sa démarche passionnée de présentation de la mobilité électrique.