Le gouvernement attribue des aides à l’achat d’une voiture électrique, l’autonomie devient confortable, les bornes sont toujours plus nombreuses, l’offre se diversifie avec des modèles plus salivants, les conseillers commerciaux sont mieux formés pour les placer, etc. Pourtant, le marché des voitures électriques se montre bien timide ces derniers mois. Une question de prudence de la part des automobilistes français ? Billet.

Zoé, Leaf, Model 3

Depuis des mois, on imagine que ce sont les futurs modèles, annoncés par quelques constructeurs engagés, qui ralentissent le développement du marché branché tant qu’ils ne sont pas disponibles. On attendait une Zoé avec une meilleure autonomie et une présentation intérieure et extérieure plus pimpante : elle est là ! On souhaitait une Nissan Leaf avec un rayon d’action plus en adéquation avec ses qualités de routière et une carrosserie moins déroutante : elle vient d’arriver ! Le rêve américain d’une Tesla plus abordable a enflammé le Web pendant des mois et continue à l’animer : là, en revanche, pour elle, il faudra encore attendre un peu. Serait-ce cette Model 3 qui, à elle, seule bloquerait dans l’Hexagone les ventes de voitures particulières électriques ?

En retrait en janvier et février

Par rapport aux mêmes mois en 2017, janvier et février 2018 ont connu une chute respective des nouvelles immatriculations de 40 et 12,5%, alors que le marché global des voitures particulières, toutes énergies d’alimentation confondues, a enregistré de belles progressions : 2,5 et 4,3%. Si les Français misaient massivement sur la prudence concernant leurs voitures individuelles, les ventes de véhicules neufs seraient catastrophiques, dans l’attente d’une direction plus évidente à prendre. Alors que les pouvoirs publics vont dans le sens de nouvelles interdictions de circulation pour les engins thermiques, les automobilistes continuent à les acheter. Certes, la part du diesel s’effondre. Mais acheter un véhicule thermique aujourd’hui, sauf à le faire fonctionner avec un carburant plus vertueux comme le GNV, par exemple, c’est prendre le risque important de rencontrer des difficultés à le revendre et peut-être devoir le brader. C’est d’abord là que la prudence devrait s’exercer !

Report vers les hybrides rechargeables ?

On pourrait se dire qu’il y a un report massif vers les voitures particulières hybrides rechargeables lorsque l’on prend connaissance des pourcentages de croissance par rapport à 2017 : environ + 140% pour janvier, comme pour février. Mais l’on reste sur des petits volumes, de l’ordre de 1.000 unités par mois. Face aux véhicules électriques, ces chiffres sont loin d’être ridicules. Ce sont environ 1.300 et 2.000 VE qui ont été enregistrés en préfecture en janvier et février derniers. L’écart entre les 2 technologies de chaînes de propulsion, en termes d’acquisitions, tend à se réduire rapidement. Mais au regard des ventes de toutes les voitures particulières, les électriques et les hybrides rechargeables, même en unités cumulées, ne représentent pas à ce jour une menace pour les motorisations thermiques.

Etude Harris Interactive

Du 20 au 22 février 2018, Harris Interactive a réalisé une enquête pour Txfy, une plateforme VTC venue d’Estonie et débarquée à Paris à l’automne dernier. Menée auprès d’un échantillon déclaré représentatif par l’institut et intitulée « Les Français et l’impact environnemental de leurs déplacements », l’étude laisse pourtant entendre que les Français ont une opinion particulièrement positive des véhicules électriques. Quand 89% des sondés placent la voiture particulière comme ayant un impact important sur l’environnement, – plus que l’avion (87%) -, ils sont 85% à estimer que les modèles électriques sont de nature à réduire cette incidence. Négatives les autres appréciations sur les VE ? Non, pas du tout, et même au contraire : 88% les jugent « Modernes », 82% pensent qu’elles sont « Agréables à conduire », et 79% les associent au mot « Propre ». Les trois quarts des sondés s’attendent même à ce que les voitures électriques et hybrides composent la part principale du parc français en circulation dans 10 ans.

Hybride simple, hybride rechargeable, électrique

Dans l’esprit de nombre d’automobilistes, l’évolution du marché des voitures particulières n’est pas forcément très claire. Ni les distinctions qui existent entre les genres. Pour beaucoup, une voiture hybride est une hybride avant tout, qu’elle soit ou non rechargeable ! De fait, les hybrides simples endossent souvent les vertus des modèles rechargeables. Et ces derniers bénéficient de l’image de voitures électriques parce qu’elles se branchent sur une prise ou une borne pour en recharger les batteries de traction.

Alors que les voitures hybrides non rechargeables ne sont pas soutenues par des aides gouvernementales à l’achat, leur présence dans les ventes de nouvelles VP est importante. Leur marché joue désormais avec la barre symbolique des 10.000 unités enregistrées par mois en préfectures. L’an dernier, environ 70.000 de ces engins ont été immatriculés dans l’Hexagone pour la première fois. A comparer avec les presque 26.000 voitures particulières électriques, et les plus de 10.000 hybrides rechargeables vendus en 2017, ce n’est pas vraiment représentatif d’un genre pour lequel les automobilistes se seraient convertis ! Alors même que la palette des hybrides simples se diversifie toujours davantage et que la Toyota Prius qui les symbolise est arrivée chez nous au début des années 2000. Mais attention, la progression affiche un pourcentage à 2 chiffres avant la virgule !

Mouvance et communication

Il en est de la mobilité durable comme de l’évolution des énergies. Au sujet de ces dernières, lors de l’inauguration de la première station GNV-bioGNV à Vannes (56) de Morbihan énergies, Jean Gaubert, médiateur de l’énergie, faisait remarquer : « Pendant 50 ans, les systèmes énergétiques n’ont pratiquement pas changé : on se contentait d’ajouter des tuyaux ou des bouts de câbles. Mais depuis quelques années, c’est quasiment tous les jours que les choses changent. Les certitudes qu’on avait il y a 2 mois sont déjà bousculées ».

Alors que les officiels, journalistes et autres invités à l’événement entendaient la volonté du syndicat de l’énergie du Morbihan d’accompagner la mobilité hydrogène après avoir développé sur le territoire un maillage en bornes de recharge et lancé un réseau d’avitaillement au GNV, le même Jean Gaubert, soulignait : « Nous devons informer les consommateurs sur l’état du marché de l’énergie ». Cette ébullition du côté des énergies, on la retrouve aussi dans la mobilité durable où les certitudes qui ne datent que de quelques mois peuvent se retrouver rapidement bouleversées. De quoi déstabiliser les Français qui sont soumis à des informations discordantes dues, pour certaines, à des sources pas encore mises à jour.

Entre urgence et prudence

Les enjeux environnementaux et de santé publique imposent d’agir et de changer nos habitudes rapidement. Le dérèglement climatique, – on le sait désormais -, ne pourra être contenu sous les 2° C d’augmentation globale des températures. Et les particules causent des dizaines de milliers de décès prématurés. Autant de raisons de modifier les comportements sans perdre de temps. Seulement voilà : vers quelle technologie se diriger ? Une solution qui devra en outre être pérenne, c’est-à-dire qui ne sera pas dans quelques années quasi unanimement condamnée pour son impact sur la santé publique et l’environnement. Les choix d’investissements en véhicules que peuvent faire les collectivités et les entreprises rentables ne pèsent pas aussi lourd que l’achat d’une voiture individuelle sur le budget de nombre de ménages. Acheter une VP, pour beaucoup, peut peser sur une famille pendant 5 ans et bien plus. Sauf urgence, pas question de se lancer dans l’inconnu ! En cela, une hybride simple représente la sécurité. La technologie est éprouvée depuis plus de 15 ans en France. L’hybride rechargeable se positionne comme une prudente progression vers la motorisation entièrement électrique.

Nouvelles générations

Par ailleurs, les nouvelles générations de jeunes adultes se sont pas mal détachées de l’automobile. Elle ne représente plus vraiment un signe distinctif statutaire pour beaucoup d’entre eux. Il y a les appareils nomades, désormais, pour cela. La vie citadine invite davantage à posséder des engins de mobilité douce pour les trajets à courtes distances, en pensant parfois à la multimodalité pour les déplacements. Le souci de l’impact sur l’environnement est plus accentué chez ces jeunes adultes, comme l’a remis en évidence l’enquête d’Harris Interactive pour Txfy.

Bouleversements dans l’énergie, effervescence dans les technologies, incertitudes quant à leurs véritables vertus sur le terrain… : Vraiment pas de quoi donner l’envie de s’endetter pour 5 ou 10 ans ! Ce raisonnement, beaucoup d’automobilistes le tiennent, véritablement déroutés. Qui, finalement, peut leur indiquer le bon choix à faire pour leurs déplacements qui ne peuvent être réalisés à pieds, à vélo, avec un engin de mobilité douce, par les transports en commun, ou en utilisant les nouveaux services de mobilité !?