Climatosceptique, Donald Trump en a nommé un autre, Scott Pruitt, au poste de directeur de l’Agence de protection de l’environnement. Doit-on y voir une menace pour le développement des véhicules électriques à travers le monde ?

Des scénarios-catastrophes…

Traiter un sujet aussi vaste et soumis à rebondissements que celui de l’influence d’un dirigeant politique d’une nation majeure sur le développement d’une nouvelle technologie impose obligatoirement de poser quelques limites.

Qui sait dire aujourd’hui ce qu’un simple tweet de Donald Trump va provoquer comme réactions à travers la planète. Et ce ne sont pas les projections 2035 du rapport que la CIA vient de publier qui pourraient nous rassurer, annonçant soit un monde replié sur lui-même, au bord de l’explosion, ou échappant aux gouvernements. Il est clair, par exemple, qu’un conflit généralisé à travers le monde aurait des conséquences dans tous les secteurs industriels. Affranchissons-nous de telles menaces pour une visée à plus court terme, guidée par des préoccupations environnementales et de santé publique.

…un affrontement entre peoples…

Si Donald Trump aime bien exploiter toutes les formes de communication pour faire passer ses messages, ses victimes ne sont pas toujours silencieuses. Ainsi, Arnold Schwarzenegger que le nouveau président américain a critiqué pour l’audience de l’émission The Apprentice qu’il animait auparavant et qui l’est désormais par l’acteur, ancien gouverneur de Californie.

Dans sa réponse, ce dernier a proposé à son adversaire d’échanger leurs places, « comme ça les gens pourront de nouveau bien dormir la nuit ! ». Pro VE depuis le roadster Tesla, Arnold Schwarzenegger a reçu en janvier dernier les clés d’une Mercedes Classe G électrique adaptée par le préparateur allemand Kreisel (voir notre article). Il semble clair que le “swap”, inimaginable, de ces 2 personnages serait plus porteur pour le développement des engins branchés de l’autre côté de l’Atlantique. Reste encore l’idée d’une possible destitution demandée ici et là.

…et des rebondissements

Nombre d’électromobiliens ont reproché à Elon Musk d’avoir rejoint en décembre la liste des conseillers de Donald Trump, après en avoir quelque peu écorné son image lors de la campagne électorale, estimant que l’ancien candidat américain n’était « pas la bonne personne » pour occuper la Maison Blanche, car il ne représentait pas « les valeurs de l’Amérique ».

Depuis, il y a eu l’affaire du fameux décret anti-immigration signé par le nouveau président, le 27 janvier dernier, afin d’interdire temporairement l’entrée aux Etats-Unis des réfugiés et ressortissants de sept pays majoritairement musulmans : l’Iran, l’Irak, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie, et le Yémen.

Une centaine de grandes entreprises américaines de la Silicon Valley, et assimilée, ont déposé en tout début de cette semaine une requête en justice d’une cinquantaine de pages contre le texte tant décrié à travers le monde. Le patron de Tesla a été une nouvelle fois critiqué pour ne pas avoir rejoint la liste des signataires. Des clients lui ont même clairement signifié leurs intentions d’annuler des commandes de ses voitures électriques.

Elon Musk s’était justifié sur Twitter en indiquant l’importance de continuer à conseiller le président américain au sujet du dérèglement climatique et du décret concerné. Coup de théâtre, Tesla, mais aussi SpaceX, font partie des 32 entreprises qui viennent tout juste de faire grimper la liste des parties prenantes à presque 130, en attendant sans doute mieux encore. Ce qui aurait fini par faire changer d’avis leur PDG : une requête en justice qui se veut d’abord explicative plutôt que plainte.

Des ressorts spécifiques au contexte actuel particulier des Etats-Unis

La politique irréfléchie et de coups de théâtre de Donald Trump a donc nécessairement une influence sur les commandes de véhicules électriques. Mais à ce niveau, a priori, tant qu’Elon Musk arrivera à justifier ses actes, ce ne seraient que quelques exemplaires, très spécifiquement de sa marque branchée, qui seraient concernés.

En revanche, il peut y avoir plus lourd. Trump, qui estime que le réchauffement climatique est un canular et qu’il ne faut pas s’immiscer dans la concurrence énergétique, pourrait bien mettre un terme au crédit d’impôt fédéral actuel de 7.500 dollars US (environ 7.000 euros au 7 février 2017) sur les véhicules électrifiés admissibles. Ce qui provoquerait sans doute un net coup de frein chez les particuliers, à l’heure où l’autonomie des VE se fait de plus en plus satisfaisante, et l’offre toujours plus large. Sans action de l’actuel président américain, le dispositif prendra naturellement fin de façon étalée : l’aide s’arrête pour la gamme branchée d’un constructeur lorsqu’il a réalisé 200.000 ventes au niveau national.

Pour Tesla, par exemple, les estimations, qui dépendent de la diffusion de la Model 3, prévoient un terme au premier semestre 2018, si la feuille de route pour ce modèle est respectée. On comprend sans doute mieux la frilosité d’Elon Musk à prêter son nom contre la politique de Donald Trump.

55 miles par gallon

Autre point susceptible de perturber les ventes, Donald Trump compte s’en prendre à l’Agence de protection de l’environnement (EPA), ses actions, ses préconisations, et un peu tout ce qui pourrait s’y rapporter. Et justement, cette année, l’organisme doit réviser certaines règles d’efficacité énergétique.

Ainsi, pour 2025, les voitures et camions devraient pouvoir parcourir 55 miles par gallon d’essence, soit 23,4 kilomètres par litre, ou encore ne pas consommer plus de 4,27 litres aux 100 km. Il s’agit d’une moyenne à la flotte vendue dans l’année, les véhicules électriques venant modérer l’appétit des plus gros engins. Supprimer l’agence et ses actions, équivaudrait à faire disparaître une des raisons stratégiques qui poussent les constructeurs à développer les véhicules électriques et les investisseurs à choisir les industriels les plus vertueux.

Investissements colossaux

Tout ne tourne pas en défaveur des véhicules électriques aux Etats-Unis. L’actuelle vague de développement qui l’emporte est aussi le fruit d’investissements très importants de nombreux constructeurs qui se demandent à quelle sauce il vont désormais être mangés.

Ce n’est donc pas le moment de tirer un trait sur tout ça, d’autant plus que les débouchés à l’exportation sont de plus en plus nombreux. General Motors ne compte pas s’illustrer à nouveau comme le fossoyeur du VE. La fin précipitée des EV1 est encore dans l’esprit de bien des américains. Les marchés branchés asiatiques sont en pleine croissance.

Ainsi en Inde et en Chine, pour citer les plus volumineux. Leur expansion rapide sature l’air urbain de polluants. Les programmes successifs de promotion des véhicules électriques ne sont pas prêts de s’interrompre chez eux. Les constructeurs américains n’ont pas l’intention de passer à côté. La Chine représente le plus grand marché de voitures neuves dans le monde. C’est aussi là que sont vendus les plus grands volumes de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Dans certaines grandes villes, ces engins permettent d’échapper aux quotas mensuels d’immatriculations en voitures neuves.

En Europe aussi

Avec les Pays-Bas et la Norvège qui ont décidé de fermer totalement leurs territoires aux véhicules thermiques dans plus ou moins 10 ans, et des restrictions d’accès toujours plus nombreuses dans de grandes villes, comme à Paris, Rome ou Londres, Donald Trump pourra bien tweeter ou signer des décrets : ce qui se met en place à l’extérieur des Etats-Unis au sujet des voitures électriques ne lui appartient pas.

Il pourra bien faire cavalier seul, la révolution survoltée est désormais bien engagée : des réseaux de recharge fleurissent un peu partout, les constructeurs proposent des modèles de plus en plus alléchants, des collectivités s’engagent et proposent des aides à l’achat, les perspectives en matière d’autonomie et de prix sont excellentes, notamment grâce aux batteries attendues au graphène, et les utilisateurs satisfaits, devenus inconditionnels du VE, forment une communauté toujours plus importante.

Des incitations au niveau des Etats

Comme chez nous les département et les régions, outre-Atlantique, nombre de territoires et collectivités font la promotion des véhicules électriques en proposant leurs propres incitations.

Ainsi en Californie, en Louisiane, ou dans le Colorado, pour ne citer qu’eux, les aides à l’achat s’étalent de 5.000 à plus de 10.000 dollars. Selon les préoccupations environnementales de chacun des Etats, les curseurs de promotion de la mobilité électrique peuvent être activés avec une grande autonomie.

Une commande publique de 24.000 à 100.000 VE

Engagés dans le Mayors National Climate Action Agenda (MNCAA), – un réseau de villes américaines qui travaillent ensemble à développer un programme novateur pour atténuer le dérèglement climatique et s’y adapter -, les maires de Los Angeles (Californie), San Francisco (Californie), Seattle (Washington), et Portland (Oregon) ont interrogé les constructeurs automobiles sur leur capacité à honorer une commande record de 24.000 véhicules électriques… et peut-être même jusqu’à 100.000, si d’autres villes suivent le mouvement.

L’action devrait permettre à de petits constructeurs de trouver les moyens de développer leurs propres solutions, notamment en utilitaires spécialisés, comme les bennes à ordures, par exemple. Si Donald Trump venait à vouloir freiner le VE, nul doute que les personnalités les plus engagées dans sa promotion redoubleraient d’efforts.

Compliquer, mais pas tuer

Le nouveau président américain, dont il se murmure qu’il compte une Model S dans sa flotte personnelle, n’a pas le pouvoir de tuer le marché du véhicule électrique. Mais il peut le compliquer, le déstabiliser, le ralentir, en restreindre l’accès, surtout sur son territoire.

Sa politique spectacle qui l’isole de plus en plus ne lui donnera aucune légitimité sérieuse s’il venait à dénigrer le genre. A l’extérieur, son entrée fracassante au pouvoir en climatosceptique fragilise les relations avec les nations les plus engagées pour le climat, au détriment des Etats-Unis eux-mêmes. L’influence de la Maison-Blanche sur la scène internationale perd de sa cote. Quelles nations lui emboîteraient sérieusement le pas dans un détricotage de la mobilité électrique ?