avenir automobile france

[ Note de la rédaction : Ceci est le premier article de Pierre BEUZIT, ancien Directeur de la Recherche du Groupe Renault, aujourd’hui (entre autre) Président d’Alphea Hydrogène (Pôle de compétences sur l’hydrogène) et auteur du livre : « Hydrogène, l’avenir de la voiture ? ». Il donnera son point de vue sur l’avenir de l’automobile en France et le choix de la pile à combustible hydrogène. ]

On sait l’importance de la production automobile en France avec quelques 600 000 emplois directs. Malheureusement, au-delà des fluctuations liées aux crises que nous traversons, ces effectifs ont tendance à baisser. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les marchés d’Europe de l’Ouest ont eux-mêmes tendance à baisser et que les marchés en croissance sont loin de notre pays.

Ceci est une explication un peu rapide. Elle suppose que le produit et les processus de fabrication évoluent peu et que la rationalité économique implique qu’on produise au plus près des marchés. Or le produit automobile est fortement contraint d’évoluer.

Les contraintes sont d’abord d’ordre sociétal :

  • Avec la recherche d’une plus grande sécurité, où on passe progressivement de la sécurité dite « passive » qui cherche à protéger les occupants du véhicule lors d’un accident ; à la sécurité active où on essaye d’éviter l’accident.
  • Avec la réduction de la pollution d’origines chimique et sonore
  • Avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre (gaz carbonique, oxydes d’azote…)

Mais aussi des contraintes liées à l’usage : pourquoi emporter plus d’une tonne de matière pour se déplacer ? Pourquoi payer si cher la réparation du moindre incident ?…

Et puis évidemment le coût élevé, à l’achat et à l’usage, d’un produit qui est devenu indispensable à une majorité de personnes.

Tout ceci (et la liste n’est pas exhaustive) milite pour faire évoluer le produit, dans ses matériaux, son architecture, sa fabrication et sa commercialisation ; et ceci doit se faire à l’épicentre de l’entreprise, là où se trouve réunies les forces de conception, l’histoire et la culture de l’entreprise.

Il n’est pas clair qu’en France, on ait pris pleine conscience de ces enjeux. Du coté des constructeurs qui manifestent une grande prudence en matière d’innovation et qui font venir leur technologie de l’étranger. Du coté des Pouvoirs Publics qui hésitent à mobiliser la Recherche publique sur ces grands thèmes.

Or, si nous ne mobilisons pas notre Recherche et Développement (publique et privée) sur l’innovation – c’est vrai en automobile appelée à fortement évoluer, comme dans d’autres secteurs industriels – notre capacité industrielle s’effritera, et c’est ce qui se passe en France depuis une trentaine d’années. Or, notre pays a des atouts qu’il n’utilise pas au niveau qu’il faudrait :

  • Une recherche publique importante et de bon niveau, mais dispersée, sans objectifs clairs ni stratégie et insuffisamment connectée au monde économique.
  • De grands groupes industriels, leaders mondiaux, mais qui font relativement peu de recherche en France et qui sont souvent coupés du tissu des PME.
  • Un ensemble très riche de PME, qui ont du mal à se développer car, n’ayant qu’un accès limité aux résultats de la recherche, peu aidées par les grands groupes, et face à un système administratif mis en place par les Pouvoirs Publics et les collectivités territoriales complexe et finalement peu efficace.
  • Des pôles de compétitivité qui réunissent un grand nombre d’acteurs publics et privés, et qui font émerger des axes de progrès importants, correspondant à un vrai potentiel de croissance pour notre pays ; mais qui ne sont pas fédérés et donc ne profitent pas d’une dynamique nationale.

Dans l’automobile les choses se jouent en ce moment : mutations technologiques pour répondre aux attentes de la Société et des particuliers (pays industrialisés et pays émergents) ; développement d’une industrie chinoise et indienne ; réactions organisées des pays comme l’Allemagne, le Japon et les Etats-Unis…

La France doit décider rapidement si oui ou non elle veut rester dans la cour des grands. Si c’est oui, elle doit mobiliser l’ensemble de ses acteurs : industriels, recherche publique, Collectivités territoriales sous l’égide des Pouvoirs Publics, se donner des objectifs ambitieux, et construire une feuille de route permettant de les atteindre.